Paris, le 12 février 2016 — Le Conseil d’État vient de rendre une décision très attendue sur la validité de l’accès administratif aux données de connexion. La Quadrature du Net, French Data Network et la Fédération FDN remettaient en cause la loi de programmation militaire et son décret d’application, qui organise les modalités d’accès aux données de connexion par l’administration en dehors de tout contrôle judiciaire. En refusant d’abroger le décret et de transmettre la question à la Cour de justice de l’Union européenne, le Conseil d’État fuit tout débat juridique et isole la France au sein de la jurisprudence de l’Union européenne.
Le Conseil d’État se livre dans cet arrêt à une esquive piteuse, en évitant soigneusement de trancher la question centrale que nous lui posions, à savoir celle de la conformité du droit français en matière d’accès aux données de connexion au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) telle qu’elle s’est exprimée dans les arrêts Digital Rights et Schrems en 2014 et 2015.
Depuis ces arrêts, toutes les juridictions nationales de l’Union européenne qui ont eu à traiter de la conformité des lois sur la conservation ou l’accès aux données de connexion ont choisi soit d’abroger les lois, soit de renvoyer à la CJUE. Seule la France, par la décision de ce jour, refuse de se conformer aux standards européens en matière de protection de la vie privée des individus. Afin de ne pas rester sur une esquive française, nous avons choisi de déposer un second recours, plus ciblé et portant sur le refus que nous avait opposé le gouvernement lorsque nous lui avions demandé, au printemps dernier, d’abroger les dispositions sur la conservation généralisée. Ce recours est déjà en cours d’instruction au Palais Royal. Le Conseil d’État sera donc obligé de trancher dans les mois qui viennent, soit en mettant fin à ce régime de surveillance massive des communications, soit en saisissant la CJUE pour lui demander de le faire à sa place1Dans cette perspective, il faut souligner ce qui est sans doute le seul point positif de cet arrêt : le fait que, quoique très indirectement, le Conseil d’État reconnaisse que le droit de l’Union européenne, et donc la Charte européenne des droits fondamentaux, s’appliquent bien aux dispositifs français de surveillance..
En attendant, après la controversée loi sur le renseignement, les annonces de dérogation à la Convention européenne des droits de l’homme pendant l’état d’urgence, et en dépit des mises en garde des rapporteurs de l’ONU ou du Conseil de l’Europe sur le danger qui pèse actuellement sur les droits de l’Homme en France, la décision du Conseil d’État d’aujourd’hui entraîne encore plus la France dans un isolationnisme inquiétant vis-à-vis de l’Europe et des garanties juridiques apportées aux droits fondamentaux.
Pour plus d’informations, voir l’analyse publiée sur ce point et l’ensemble des recours initiés par La Quadrature du Net, FDN et Fédération FDN.
References
↑1 | Dans cette perspective, il faut souligner ce qui est sans doute le seul point positif de cet arrêt : le fait que, quoique très indirectement, le Conseil d’État reconnaisse que le droit de l’Union européenne, et donc la Charte européenne des droits fondamentaux, s’appliquent bien aux dispositifs français de surveillance. |
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