La « Quadrature du net » fait partie des opposants les plus fervents à la loi Hadopi. Entretien avec Jérémie Zimmermann, cofondateur et porte-parole du site internet.
Pourquoi militez-vous pour le retrait de la loi Hadopi ?
La loi Hadopi est inefficace et dangereuse démocratiquement. D’abord parce que personne ne peut prouver que c’est bien vous qui avez téléchargé des oeuvres. On se base sur les relevés d’adresse IP qui sont des données immatérielles, qui n’ont pas valeur de preuve car il n’y a rien de plus facile que d’utiliser l’adresse IP de quelqu’un d’autre.
Mais cette loi vise avant tout à lutter contre la chute dramatique de la vente des CD…
Les majors feraient mieux de s’occuper des causes réelles de cette baisse des ventes au lieu de s’attaquer à leurs clients. Il n’est nulle part démontré sérieusement que le partage d’œuvres entre particuliers sur internet est la cause majeure de la baisse de la vente de CD. Il y a des tas d’explications à ce phénomène.
D’abord, le CD est mort depuis dix ans, si on analyse correctement le marché, et les majors n’ont pas encore investi sérieusement sur d’autres supports, comme le MP3.
Ensuite, les dépenses de loisirs se sont largement reportées ces dix dernières années sur les DVD, la téléphonie mobile et la vidéo. Il est normal que les gens aient moins d’argent pour les CD. En plus, le prix du CD n’a pas baissé en 20 ans alors que le prix de fabrication a chuté, ce qui veut dire que les marges ont augmenté.
« Un fan sera toujours prêt à payer pour le groupe qu’il aime »
Quant au cinéma, il a fait une année 2008 record, malgré le téléchargement illégal. Et les ventes de DVD de « Bienvenue ches les Chtis », qui a largement été téléchargé par les internautes, ont été exceptionnelles. Alors…
Que proposez-vous alors pour que les artistes puissent vivre de leur musique ?
Il y a déjà de nombreux modèles qui sont testés par des indépendants. Ils vendent des produits et des services à forte valeur ajoutée comme un CD signé à la main, ou numéroté, ou accompagné d’un cahier de 50 pages. Bref, un objet qui soit plus qu’une galette en plastique. Et ça marche.
On pourrait également imaginer fonctionner sur le modèle du fan club avec des infos exclusives ou des places gratuites pour les concerts. Ça peut marcher aussi, car un fan sera toujours prêt à payer pour le groupe qu’il aime.
Il y a également d’autres solutions possibles comme de créer une redevance, ou contribution créative, élargie aux accès à internet en échange d’une légalisation du partage de fichiers. De tels modèles sont parfaitement compatibles avec une légalisation du partage d’oeuvres, à des fins non-marchandes, entre particuliers.
La loi Hadopi mettra-t-elle fin au téléchargement illégal ?
Bien sûr que non. Les grands logiciels de P2P ont déjà une version chiffrée. Il existe aussi des outils d’anonymisation et de chiffrement des communications les rendant indétectables par l’Hadopi. On peut également utiliser une autre adresse IP que la sienne en utilisant un serveur proxy (mandataire) qui fait l’intermédiaire entre votre ordinateur et l’extérieur. Si ce serveur proxy est situé hors de France, personne ne peut rien contre vous. Certains sites européens proposent déjà, pour 5€ par mois, de vous fournir une adresse IP à l’étranger. C’est pourquoi cette loi sera totalement inefficace.
http://www.lepays.fr/article/jeremie-zimmermann-une-loi-dangereuse-et-inefficace—541218?symfony=cdb2f9737b0e4f189b9d0c21a939dad6