Casse-tête juridique
C’est la raison d’être de la loi : contourner l’autorité judiciaire pour mettre en place un système de sanction semi-automatisé. La loi Dadvsi, votée en 2005, avait mis en place une sanction pour contrefaçon : jusqu’à 30 000 euros d’amende et cinq ans de prison. Evidemment, elle s’est vite trouvée inapplicable, et on imagine mal les tribunaux remplis de mamies Lucette ayant téléchargé le dernier Adamo. La loi Création et Internet prévoit donc de mettre en place une Haute autorité administrative, l’Hadopi, chargée de sanctionner les vils internautes.
[…] Mais cette évacuation de l’autorité judiciaire est loin de faire l’unanimité. Et un simple amendement, déposé au Parlement européen dans le cadre de la discussion sur le «paquet Télécom» pourrait tout faire capoter. Déposé notamment par l’eurodéputé PS Guy Bono, il précise : «Aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire.» Déjà voté en première lecture par 88 % des députés en septembre, il devrait être soumis à nouveau en avril. Et même si les défenseurs du texte français soutiennent aujourd’hui que l’accès à Internet n’a rien d’une liberté fondamentale, ils risquent bel et bien de se retrouver avec une coquille vide en guise de loi.
FLOU économique […]
Pépin technique On pouvait s’en douter, vouloir réguler un environnement technique en perpétuelle évolution, c’est un peu plus compliqué que de contrôler la vitesse des voitures sur une autoroute. […]
Enfin, il y a tout ce qu’on ne connaît pas encore, toutes les évolutions qui feront l’Internet de demain. Le réseau est un écosystème technique qu’il faut accompagner pour ne pas se faire dépasser. Aujourd’hui, on veut essayer d’éradiquer un usage devenu massif au lieu d’essayer d’inventer un nouveau modèle qui pourrait profiter de cet élan. C’est non seulement un choix inutile, mais aussi un pari dangereux, car perdu d’avance, pour le secteur culturel.
http://www.liberation.fr/medias/0101553190-une-loi-deconnectee-de-la-realite