Pourquoi êtes-vous contre l’adoption de cette loi ?
« Parce qu’elle est inefficace, inapplicable et dangereuse. Elle va mettre des pouvoirs de police entre les mains de particuliers – les professionnels des secteurs concernés – qui devront constater des infractions présumées. Celles-ci seront fondées sur des preuves immatérielles (les adresses IP des utilisateurs) contre lesquelles il est impossible de se défendre. »
Ce projet de loi se veut pourtant « pédagogique », avec l’envoi d’e-mails d’avertissement avant la suspension de l’abonnement Internet…
« On ne pourra pas contester l’infraction mais simplement répondre à ces e-mails par des constatations. Cela ne suspend à aucun moment la procédure.
C’est uniquement la sanction prononcée que l’on pourra contester, l’infraction devant les tribunaux, ce qui reviendra cher en frais d’avocats. »
Le ministère de la Culture prend tout de même des précautions en proposant à l’internaute des logiciels de protection…
« Pour tenter de rendre l’Hadopi (la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet) compétente, ils ont créé une nouvelle obligation de protection de sécurisation de son accès Internet… Or, pour que cette obligation soit valable, ils doivent fournir les moyens de se protéger. L’Hadopi maintiendra donc une liste de logiciels de sécurisation dont personne ne sait rien. Ils seront potentiellement des logiciels espions, des logiciels qui protégeront l’utilisateur contre lui-même. Ils seront toujours contournables, et probablement inefficaces, pour peu qu’ils existent un jour. Cela ne tient pas debout. »
Mais il faut tout de même bien envisager de rémunérer les artistes pour leur travail…
« Au mot rémunération, je préfère celui de financement. Rémunération colle trop au système actuel. Or ce n’est pas le seul mode envisageable. Avec l’Hadopi, on part de deux postulats faux. Premièrement, que c’est le téléchargement qui est responsable de la chute des ventes de l’industrie du disque.
Deuxièmement, que sa pénalisation fera augmenter les ventes de disques. Or, nombre d’études montrent que c’est faux. Cette industrie du disque est celle qui voulait interdire la diffusion de musique à la radio. Force est de constater qu’on a trouvé un modèle qui marche, indirect et mutualisé. Une autre façon de faire serait de prélever l’argent à la source, sur les abonnements Internet ou de téléphonie mobile. C’est la Contribution créative, mais ce n’est qu’une des voies. Une autre serait de dépasser le modèle de la vente à la copie pour proposer des produits à forte valeur ajoutée, que les gens auraient de nouveau envie d’acheter. Le problème c’est que l’industrie de la musique ne s’est pas adaptée au numérique. » •
PROPOS RECUEILLIS PAR J. L.
http://www.lavoixdunord.fr/journal/VDN/2009/03/16/PLUS/ART1601283.phtml