Paris, le 2 octobre 2015 — La consultation publique sur l’avant-projet de loi numérique a pour objectif de faire remonter les demandes des citoyens et organisations quant aux améliorations à apporter sur le texte du projet de loi.
Bien que prudente sur le processus et attendant de voir ce qui sera effectivement retenu dans le projet de loi final, La Quadrature du Net soumet plusieurs propositions d’amélioration des articles existants et ajouts de nouveaux articles, et invite les citoyens à appuyer ses propositions.
Les propositions de modification de l’avant-projet de loi « pour une République numérique » mises en ligne par La Quadrature du Net s’appuient sur le travail effectué depuis 2008 en matière de propositions positives pour un internet libre et ouvert.
Cette page a pour objectif de lister les propositions apportées et sera mise à jour au fur et à mesure de l’avancée du travail d’amendement. Les citoyens qui souhaitent appuyer ces propositions sont invités à le faire sur la plateforme mise en place par le ministère.
Toutes les parties du projet de loi ne sont pas traitées, certaines étant davantage dans le champ de compétences d’autres associations ou ne faisant pas partie des thèmes prioritaires de La Quadrature du Net. Nous signalerons également les propositions émanant d’autres organisations que nous soutenons.
Les Communs
Article 8 : définition du domaine commun informationnel
Soutenir l’amendement 1 : éviter la légalisation du copyfraud
L’article prétend définir un domaine commun et garantir les usages associés, mais en l’état, il risque paradoxalement de conduire à une légalisation des pratiques de réappropriation abusives. Il est admis que les informations, les faits, les idées ne peuvent en elles-mêmes directement faire l’objet d’un droit de propriété. Même lorsqu’elles sont incluses dans une base de données, ce ne sont pas les données en elle-mêmes qui font l’objet d’un droit de propriété intellectuelle mais la structure de la base de données.
Or ici, l’article sous-entend que ces éléments pourraient faire l’objet d’un droit de propriété et fragilise la protection du domaine commun plus qu’il ne le protège. La même remarque vaut pour les « obligations contractuelles ou extra-contractuelles ». Avec une telle restriction, de simples conditions d’utilisation d’un site internet pourraient, par leur seule force contractuelle, faire obstacle à la réutilisation d’éléments du domaine commun. La fin de l’article doit donc être supprimée, sous peine de vider de son sens les dispositions qui suivent : « Elles ne peuvent, en tant que tels, faire l’objet d’une exclusivité, ni d’une restriction de l’usage commun à tous ».
Soutenir l’amendement 2 : élargir les possibilités d’action contre les atteintes au domaine commun informationnel
La rédaction actuelle du projet de loi restreint l’intérêt pour agir en défense du domaine commun à des associations agréés. Si l’on souhaite que la protection du domaine commun soit effective, il importe d’ouvrir plus largement ces possibilités d’action en supprimant la procédure d’agrément préalable, ainsi qu’aux simples individus. Par ailleurs, il est nécessaire que cette action ne se limite pas à demander que cesse l’atteinte au domaine commun, mais aussi que la responsabilité des fautifs puissent être engagée.
Soutenir l’amendement 3 : reconnaître les communs volontaires
Les Communs ne sont pas constitués uniquement d’un domaine public statique. La partie la plus vivante des communs est aujourd’hui constituée par des ressources mises volontairement en partage par leurs créateurs : logiciels libres ou Open Source, œuvres placées sous licence Creative Commons, objets en Open Design ou en Open Hardware, etc. Ces communs volontaires ou consentis méritent une existence législative et une protection par la loi contre les tentatives de réappropriation abusive. L’article ici proposé précise les modalités par lesquelles des titulaires de droits peuvent choisir d’autoriser des usages communs sur leurs créations, notamment par le biais de licences libres ou de libre diffusion. Il leur permet de moduler le degré d’ouverture de ces usages communs selon leur volonté et ne remet pas en cause le droit moral dont ils bénéficient.
Neutralité de l’Internet
Soutenir l’amendement 4 : préciser le périmètre d’application de la Neutralité du Net
Afin de pallier à toute éventuelle interprétation du principe de neutralité du Net qui irait dans un sens défavorable à celle-ci et aux utilisateurs, en y imposant des limitations, il est nécessaire de préciser dans la notion de neutralité dans la loi.
Soutenir l’amendement 4bis : Services spécialisés et discrimination tarifaire
L’inscription dans la loi de la définition des services spécialisés est nécessaire afin d’éviter une interprétation trop large des services qui pourraient bénéficier des exceptions aux règles de gestion de trafic prévues par le règlement européen sur les télécommunications. Les services spécialisés constituent en eux-mêmes une atteinte à la neutralité du Net, qui ne peut se justifier que dans des cas spécifiques, strictement définis. Cela peut être le cas par exemple pour des applications de e-Santé qui nécessitent un accès prioritaire. Une interprétation trop large de la part des régulateurs porterait atteinte à la concurrence et à l’innovation en permettant aux plus gros acteurs de signer des accords entre eux pour favoriser leur contenu, tout en diminuant significativement la liberté de choix des utilisateurs.
La discrimination tarifaire permet aux fournisseurs d’accès de donner un accès illimité à certains sites ou certaines applications, et de limiter l’accès au reste des sites et services disponibles sur Internet. Une telle pratique constitue une atteinte forte à la neutralité du Net. Il est important de l’interdire de façon explicite afin d’éviter toute marge d’interprétation par le régulateur ou les opérateurs. Les négociations sur le règlement sur les télécommunications qui ont abouti à la suppression de la disposition interdisant la discrimination tarifaire montre qu’il s’agit d’un moyen clef pour les opérateurs de contourner la législation relative à la neutralité du Net.
La discrimination tarifaire porte atteinte notamment :
- au principe de concurrence libre et non faussée pour les PME et entreprises innovantes, qui font face à un abus de situation dominante.
- au principe du libre choix de l’utilisateur, puisque la discrimination tarifaire laisse toute latitude à l’opérateur pour décider des services plus facilement accessibles.
- au principe de liberté d’informer, puisque par des accords privilégiés avec des services ou applications, l’opérateur peut décider de l’information à laquelle l’utilisateur a accès. Une telle pratique porte ainsi atteinte à la liberté d’expression au principe de libre accès à l’information.
La protection de la neutralité du Net doit comprendre une disposition visant à interdire la discrimination tarifaire afin de protéger la libre concurrence ainsi que les droits fondamentaux.
Droit au chiffrement
Soutenir l’amendement 5 : ajouter la promotion du chiffrement des communications dans les missions de la CNIL
Dans son rôle de promotion des technologies respectueuses de la vie privée et de la sécurisation des données, il convient que la CNIL porte une attention particulière au développement et à la promotion d’outils permettant un chiffrement sûr des informations, données et correspondances des citoyens. Le chiffrement joue un rôle fondamental dans la sécurisation des communications et est une protection efficace contre les atteintes à la vie privée et la surveillance, la CNIL doit donc explicitement l’intégrer dans ses missions d’information et de recommandation.
Soutenir l’amendement 6 : affirmer le droit et encourager l’usage du chiffrement des communications
La pénalisation plus lourde des crimes et délits lorsque des moyens de cryptologie ont été utilisés a pour conséquence de limiter la promotion, le développement et l’utilisation de ces techniques, au détriment de la vie privée des citoyens mais également de la sécurisation des opérations économiques.
L’affirmation du droit au chiffrement permet de mettre en cohérence la loi qui affirme le droit au secret des correspondances numériques. Cet amendement a pour objectif de permettre les conditions d’un développement des technologies de chiffrement et donc de permettre aux individus de d’exercer leurs droits au secret des correspondances et des communications.
Actions de groupe
Soutenir l’amendement 7 : autoriser les actions de groupe notamment en matière d’atteinte au droit sur les données personnelles et la neutralité du Net
Rédaction de l’article :
« Supprimer le dernier alinéa de l’article L.423-1 du code de la consommation. »
Exposé des motifs
L’article L.423-1 du code de la consommation restreint la réparation en cas d’action de groupe aux préjudices matériels : « Seule la réparation des préjudices matériels résultant d’une atteinte au patrimoine des consommateurs et résultant d’une des causes mentionnées ci-dessus peut être poursuivie par cette action. »
Afin de permettre des actions de groupe notamment concernant l’atteinte au droit sur les données personnelles et la neutralité du Net, il convient de faire porter la réparation à l’ensemble des préjudices et non seulement aux préjudices matériels.
Données personnelles
Soutenir l’amendement 8 : consacrer un droit d’information sur les modalités du stockage des fichiers et données-utilisateur
Dans l’objectif d’assurer un consentement éclairé du consommateur, l’utilisateur doit pouvoir s’informer sur les modalités de stockage de ses fichiers et de ses données, afin notamment de pouvoir choisir en connaissance de cause les fournisseurs de services qui respectent le droit à la vie privée en ne choisissant de stocker ces données que dans des États respectueux des droits et libertés.