Paris, 18 juin 2015 — La Commission Mixte Paritaire s’est réunie le 16 juin pour aboutir à une version finale du projet de loi sur le Renseignement entre les versions votées à l’Assemblée nationale le 5 mai et au Sénat le 9 juin. Cependant, un ajout de dernière minute vient modifier de façon profonde l’esprit de la loi et son application sur le territoire français. La Quadrature du Net déplore cette énième procédure anti-démocratique et renouvelle son appel aux parlementaires à rejeter ce texte lors des votes finaux les 23 et 24 juin prochains.
Si l’essentiel du travail de la Commission Mixte Paritaire (CMP) a consisté à trouver un compromis entre deux textes finalement assez peu éloignés, l’ajout par les rapporteurs, en dernière minute, d’une disposition visant à modifier l’article 821-1 du code de la sécurité intérieure est un véritable renversement de la logique de cette loi.
En effet, cet ajout met en place une distinction, sur les interceptions réalisées à partir du territoire français et visant le territoire français, entre les citoyens français ou résidents habituels de notre pays, et les autres :
« Par dérogation au premier alinéa, lorsque la mise en œuvre sur le territoire national d’une technique de renseignement ne concerne pas un Français ou une personne résidant habituellement sur le territoire français, l’autorisation est délivrée par le Premier ministre sans avis préalable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. »
Ainsi, toute personne transitant en France ou n’y étant pas identifiée comme résidente habituelle voit l’ensemble des – déjà maigres – garanties offertes par l’avis préalable de la CNCTR disparaître et peut être mise sous surveillance directement sur autorisation du Premier Ministre.
La loi distingue également les interceptions sur le territoire français et celles réalisées à l’international avec des procédures et un niveau de garanties différentes (article L. 854-1), ce que l’ensemble des opposants au texte ont vertement dénoncé. À présent, c’est également à l’intérieur même du territoire national que la distinction sera faite selon les personnes surveillées.
Cette disposition rend inapplicable toutes les velléités de contrôle et de garantie des libertés publiques : en effet, comment garantir l’égalité des droits avec une telle mesure ? Quel statut pour l’entourage (français ou résident habituel en France) des personnes ainsi surveillées selon un régime « international » ? Comment garantir le moindre respect de la vie privée et la proportionnalité des écoutes des citoyens circulant à proximité d’un IMSI-Catcher déployé selon cette procédure ?
La Quadrature du Net dénonce fermement cet ajout qui aggrave encore, si besoin en était, le danger représenté par la loi Renseignement, et appelle les sénateurs et les députés à voter contre l’ensemble de la loi les 23 et 24 juin prochains. Que leur vote soit également une condamnation du cavalier législatif représenté par cet ajout fait hors de toute discussion publique et de tout vote du Parlement.
« Ce texte issu de la Commission Mixte Paritaire, c’est ceinture et bretelles pour être sûr que les services de renseignement peuvent porter atteinte impunément aux droits fondamentaux » déclare Philippe Aigrain, co-fondateur de La Quadrature du Net.
« Jusqu’au bout du processus législatif, le gouvernement et les rapporteurs auront cherché à durcir cette loi liberticide qui a réuni contre elle un ensemble inédit d’opposants de toute sorte. À l’heure du vote final, il est temps pour les parlementaires de refuser de servir de chambre d’enregistrement des pires volontés du gouvernement et de voter contre une loi qui se révèle de jour en jour davantage être une honte pour notre démocratie » demande Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de La Quadrature du Net.