Paris, 29 novembre 2011 – L’Assemblée nationale vient d’adopter le projet de loi sur la copie privée, incluant l’amendement du député Lionel Tardy limitant la capacité du public à réaliser des copies pour son usage privé. Alors qu’elle ne correspond en aucun cas à l’objectif du projet de loi, qui ne concerne que la redevance pour copie privée, cette remise en cause des droits du public laisse la porte ouverte à de nouvelles mesures répressives. La balle est désormais dans le camp de la nouvelle majorité au Sénat.
L’Assemblée nationale vient d’adopter le projet de loi sur la copie privée, un texte technique, uniquement destiné à adapter le régime de la redevance pour copie privée à une récente jurisprudence du Conseil d’État. Des décisions sur le périmètre des exceptions et de leur usage, en particulier adoptées dans l’urgence, n’y ont aucune place.
Or, le texte adopté aujourd’hui contient un amendement présenté et défendu par le député Lionel Tardy1Extrait de l’intervention de Lionel Tardy sur cet amendement : « Cet amendement propose de préciser, en complément des dispositions de l’article 1er, que l’exception de copie privée ne sera exigible que sur les copies réalisées à partir d’un support licite, c’est-à-dire d’un fichier ou d’un CD acheté. Cet amendement n’est pas anodin car, quoi qu’en disent les ayants droit, la copie privée est apparue à beaucoup comme une compensation de fait pour piratage et échange illicite de fichiers sur internet. Qu’il faille traiter le problème du piratage sur internet, je n’en disconviens pas – même si je ne vois pas quelles solutions techniques on pourrait lui apporter –, mais sa résolution ne passe pas par l’exception pour copie privée. La difficulté vient justement de cette extension non assumée et de l’arrêt Padawan. Cet amendement constitue donc un coup d’arrêt à cette dérive. »
http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-cedu/11-12/c1112011.asp#P2_66 qui restreint l’exception pour copie privée en la conditionnant à la licéité de la source, qui est la plupart du temps impossible à déterminer. Il constitue une nouvelle remise en cause des droits du public, qui aggrave un peu plus la crise de légitimité que traverse le droit d’auteur.
« Au détour d’un texte technique sur le financement de la création, on attaque en douce les droits du public ! Par cette modification de l’exception pour copie privée 2Voir l’article 1er amendé par la commission des Affaires culturelles: http://www.assemblee-nationale.fr/13/ta-commission/r3953-a0.asp
Le 2° de l’article 122-5 modifié dispose que, lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire (…) « les copies ou reproductions réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l’exception des copies des œuvres d’art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée et des copies d’un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l’article L. 122-6-1 ainsi que des copies ou des reproductions d’une base de données électronique »., tout acte de copie à des fins privées serait rendu illégal, à moins que l’utilisateur ne soit en mesure de démontrer la licéité de la source utilisée. Comment déterminer dans quelles conditions une œuvre a été mise en ligne, qui l’a mise en ligne ? Avec ou sans autorisation de l’auteur et si oui, portant sur quels territoires ? Un CD prêté par son cousin est-il contrefait ? Impossible de répondre à ces questions sans une procédure complexe, ce qui en pratique créera une insécurité juridique considérable pour le public. », explique Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’organisation citoyenne La Quadrature du Net.
« Outre la négation rampante du principe même de l’exception pour copie privée, cet amendement ouvre la porte à de nouvelles politiques répressives. Afin de déterminer si les œuvres copiées proviennent de sources licites ou non, les industries du divertissement ne manqueront pas de demander de nouveaux verrous numériques destinés à la surveillance et au contrôle des usages, et de nouvelles lois dans la droite ligne des DADVSI et HADOPI. Seul le Sénat peut encore supprimer cette disposition et revenir au projet de loi présenté par le gouvernement. », déclare Jérémie Zimmermann.
Dans le cadre de son audition par le rapporteur au Sénat, André Gattolin, La Quadrature du Net a insisté sur la nécessité de revenir au projet de loi initial en supprimant cette disposition profondément attentatoire aux droits du public. Les citoyens constateront si la nouvelle majorité au Sénat défend les droits du public plutôt que les intérêts des industries du divertissement.
References
↑1 | Extrait de l’intervention de Lionel Tardy sur cet amendement : « Cet amendement propose de préciser, en complément des dispositions de l’article 1er, que l’exception de copie privée ne sera exigible que sur les copies réalisées à partir d’un support licite, c’est-à-dire d’un fichier ou d’un CD acheté. Cet amendement n’est pas anodin car, quoi qu’en disent les ayants droit, la copie privée est apparue à beaucoup comme une compensation de fait pour piratage et échange illicite de fichiers sur internet. Qu’il faille traiter le problème du piratage sur internet, je n’en disconviens pas – même si je ne vois pas quelles solutions techniques on pourrait lui apporter –, mais sa résolution ne passe pas par l’exception pour copie privée. La difficulté vient justement de cette extension non assumée et de l’arrêt Padawan. Cet amendement constitue donc un coup d’arrêt à cette dérive. » http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-cedu/11-12/c1112011.asp#P2_66 |
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↑2 | Voir l’article 1er amendé par la commission des Affaires culturelles: http://www.assemblee-nationale.fr/13/ta-commission/r3953-a0.asp Le 2° de l’article 122-5 modifié dispose que, lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire (…) « les copies ou reproductions réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l’exception des copies des œuvres d’art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée et des copies d’un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l’article L. 122-6-1 ainsi que des copies ou des reproductions d’une base de données électronique ». |