Paris, 27 mai 2011 – Aujourd’hui, le G8 a rendu public sa déclaration finale, dont la partie relative à Internet échoue à proposer des mesures concrètes et équilibrées. Après avoir convié un forum eG8 illégitime qui a rapproché les grandes entreprises des gouvernements, il est désormais clair que l’initiative de la présidence française du G8 constitue une dangereuse reprise en main de la gouvernance d’Internet.
Fait révélateur, la partie la plus détaillée de la déclaration finale1http://www.g20-g8.com/g8-g20/g8/francais/en-direct/actualites/un-nouvel-elan-pour-la-liberte-et-la-democratie.1313.html est celle relative au droit d’auteur. Elle appelle à une censure privée pour empêcher le partage d’œuvres culturelles en ligne2« Nous renouvelons notre engagement à prendre des mesures fermes contre les violations des droits de propriété intellectuelle dans l’espace numérique, notamment par des procédures permettant d’empêcher les infractions actuelles et futures. Nous reconnaissons que l’application effective des règles en matière de propriété intellectuelle nécessite une coopération internationale appropriée entre les acteurs concernés, associant le secteur privé »., à l’image de l’ACTA, et ce alors que l’Union européenne vient d’annoncer sa stratégie en la matière et qu’aux États-Unis, le Protect IP Act vient d’être unanimement adopté en commission au Sénat.
La déclaration ne s’accompagne d’aucune référence substantielle quant à l’importance de la neutralité du Net, la mise sous silence et l’emprisonnement de blogueurs dans les régimes autoritaires, les dangers d’une censure privée par les entreprises de l’Internet, ou d’autres problématiques pressantes. Le G8 se contente de faire référence dans des termes extrêmement généraux à la nécessité de promouvoir les droits de l’Homme et la participation démocratique en ligne.
Après le désastreux forum eG8 durant lequel les entreprises les plus puissantes et des gouvernements portés sur contrôle ont échangé leurs vues sur la manière dont réguler Internet, la déclaration échoue à proposer une politique pro-démocratique de l’Internet. Elle contraste fortement avec le rapport du rapporteur spécial des Nations Unies pour la liberté d’expression et d’opinion3http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/17session/A.HRC.17.27_en.pdf, qui vient d’être rendu public. Dans ce rapport, Franck La Rue souligne les fantastiques perspectives ouvertes par l’avènement d’Internet et détaille diverses menaces qui pèsent sur la liberté d’expression et la vie privée, telles que la régulation des communications en ligne par des acteurs privés4« Holding intermediaries liable for the content disseminated or created by their users severely undermines the enjoyment of the right to freedom of opinion and expression, because it leads to self-protective and over-broad private censorship, often without transparency and the due process of the law.” ou l’application forcenée d’un droit d’auteur inadapté5[The Rapporteur] is alarmed by proposals to disconnect users from Internet access if they violate intellectual property rights. This also includes legislation based on the concept of “graduated response”, which imposes a series of penalties on copyright infringers that could lead to suspension of Internet service, such as the so-called “three-strikes-law” in France and the Digital Economy Act 2010 of the United Kingdom.. Face à ces menaces, le rapporteur fait plusieurs propositions pour protéger l’ouverture et l’universalité d’Internet.
« Tout cet épisode montre qu’il n’y a rien à attendre de ces quelques gouvernements qui tendent la main aux lobbies. Les gouvernements du G8 refusent de reconnaître les conditions nécessaires au caractère libre et ouvert d’Internet. Ils sont incapables d’envisager la moindre réforme du droit d’auteur, s’abstiennent de s’engager réellement en faveur de la neutralité du Net et refusent de protéger les citoyens contre les agissements des entreprises de l’Internet » déclare Philippe Aigrain, co-fondateur de La Quadrature du Net.
« Après avoir convié les plus grandes entreprises de l’Internet à un ridicule exercice de communication, les leaders du G8 se font maintenant les relais de leurs exigences. La déclaration finale confirme que les citoyens doivent s’inquiéter de cette alliance malsaine entre les gouvernements et les grandes entreprises du Net, et qu’ils doivent se mobiliser pour la contrer. Internet nous appartient ! » conclut Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net.
References
↑1 | http://www.g20-g8.com/g8-g20/g8/francais/en-direct/actualites/un-nouvel-elan-pour-la-liberte-et-la-democratie.1313.html |
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↑2 | « Nous renouvelons notre engagement à prendre des mesures fermes contre les violations des droits de propriété intellectuelle dans l’espace numérique, notamment par des procédures permettant d’empêcher les infractions actuelles et futures. Nous reconnaissons que l’application effective des règles en matière de propriété intellectuelle nécessite une coopération internationale appropriée entre les acteurs concernés, associant le secteur privé ». |
↑3 | http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/17session/A.HRC.17.27_en.pdf |
↑4 | « Holding intermediaries liable for the content disseminated or created by their users severely undermines the enjoyment of the right to freedom of opinion and expression, because it leads to self-protective and over-broad private censorship, often without transparency and the due process of the law.” |
↑5 | [The Rapporteur] is alarmed by proposals to disconnect users from Internet access if they violate intellectual property rights. This also includes legislation based on the concept of “graduated response”, which imposes a series of penalties on copyright infringers that could lead to suspension of Internet service, such as the so-called “three-strikes-law” in France and the Digital Economy Act 2010 of the United Kingdom. |