Paris, 8 juillet 2016 — Le 4 juillet 2012, le Parlement européen rejetait à une large majorité l’accord commercial ACTA, après plusieurs années de mobilisations internationales en ligne et hors ligne sans précédent1Pour ne prendre que l’exemple de la Pologne, le mouvement de contestation y est considéré comme le plus important de l’histoire du pays depuis 1989, avec des centaines de milliers de manifestant·e·s dans les rues.. Négocié dans l’opacité au profit de quelques intérêts privés, ACTA tentait d’imposer des mesures répressives au nom de la protection du droit d’auteur et constituait une menace majeure pour nos droits et libertés. L’anniversaire de cette victoire collective importante est l’occasion de faire un point en 2 volets sur la situation actuelle. Le premier, publié le 4 juillet, concerne les accords commerciaux en cours de négociations ou d’adoption au sein de l’Union européenne. Le second volet, ci-dessous, revient sur 4 ans d’échec politique à adapter le droit d’auteur à l’ère numérique, tant au niveau de l’Union européenne qu’au niveau national, entre avancées marginales et poursuite d’une politique répressive dangereuse et absurde.
Inspiré par une vision du droit d’auteur destinée à préserver les intérêts de quelques ayants droit2L’ayant droit est la personne détenant un droit du fait de son lien avec l’auteur. Ce terme est utilisé quand on parle des droits patrimoniaux de l’œuvre. À quelques exceptions près, l’exploitation d’une œuvre d’auteur est interdite sans l’autorisation de ses ayants droit. Par exemple, les héritiers, les sociétés de gestion des droits d’auteur ou les éditeurs sont des ayants droit. sur le déclin, ACTA aurait violemment réprimé les pratiques culturelles contemporaines, telles que le partage ou le remix. Quelques mois après les abandons contraints de SOPA et PIPA3SOPA et PIPA étaient des projets de loi américains proposant de réprimer le partage en ligne au nom du droit d’auteur. aux États-Unis, le fiasco politique qu’a constitué le rejet du texte, d’abord sur Internet et dans la rue, puis au Parlement européen, aura au moins fini de mettre en évidence l’inadéquation du droit et des réalités quotidiennes des créateur·rice·s et de leurs publics. Le succès de ces mobilisations, dans la lignée de celles opposées à la création de la Hadopi, met en lumière l’importance de ces pratiques dans les vies quotidiennes d’un grand nombre d’individus et leur volonté commune de les défendre.
Union européenne : le blocage idéologique de la Commission
Afin de faire de la période qui s’ouvrait après le rejet d’ACTA une occasion pour le législateur d’enfin entamer une réflexion sur les enjeux du partage à l’ère numérique, La Quadrature du Net a immédiatement publié ses propositions détaillées destinées à réformer le droit d’auteur. Au cours des mois suivant, des bénévoles de l’organisation sont ensuite retourné·e·s à la rencontre des membres du Parlement européen afin d’engager le débat, et de leur distribuer des clés USB « datalove » remplie d’une collection de musiques, films et livres mettant en lumière les problèmes du régime du droit d’auteur et l’urgence de la réforme.
Remise de sa clé « datalove » à
Françoise Castex, eurodéputée
(FR – S&D) de 2004 à 2014
Dans la foulée, en décembre 2012, la Commission européenne annonçait le lancement de l’initiative « Des licences pour l’Europe », présentée comme destinée à débattre du droit d’auteur et de sa nécessaire adaptation. Sans grande surprise, les thèmes de ces discussions ne reflétaient que les préoccupations des acteurs majeurs des industries culturelles, dont les membres constituaient l’essentiel des participant·e·s, ne laissant qu’une place dérisoire aux créateur·rice·s, au public et à leurs propositions. À l’issue de 10 mois de réunions, l’initiative se terminait par un constat d’échec lamentable. En parallèle, la Commission européenne persistait à poursuivre son approche répressive du droit d’auteur, des brevets et des marques, tant au sein de l’Union européenne que dans la négociations d’accords commerciaux.
Fin 2013, quelques mois avant les élections européennes et le renouvellement de ses membres, la Commission européenne lançait une consultation sur le « futur du droit d’auteur ». Encouragé·e·s par un grand nombres d’organisations militant pour une réforme du droit d’auteur, plus de 11 000 personnes y ont répondu, record historique pour une procédure de ce type. Mais, avant même la publication des résultats de cette consultation, dans un ultime affront, la Commission européenne publie en juillet 2014 « un plan d’action pour lutter contre les atteintes à la propriété intellectuelle ». Reprenant l’extra-judiciarisation de la répression, l’un des pires mécanismes d’ACTA, la Commission prouvait par là même son aveuglement idéologique sur le sujet et son mépris des gouverné·e·s – s’il le fallait encore.
La polémique du rapport Reda
Début 2015, après les élections et le renouvellement des institutions, la Commission européenne confiait à l’eurodéputée Julia Reda (DE – Verts/ALE), unique élue du Parti Pirate au Parlement européen, le soin de préparer un rapport présentant des pistes pour la réforme du droit d’auteur à partir des réponses à la consultation initiée en 2013. Alors que le programme du Parti Pirate était centré sur la question de la légalisation du partage des œuvres sur Internet, Julia Reda a opté pour une approche plus limitée, mais tout de même positive. Sa proposition visait à élargir les droits d’usage en ligne en renforçant le domaine public et en consacrant de nouvelles exceptions au droit d’auteur.
Malgré le soutien de La Quadrature du Net et de nombreuses autres organisations de la société civile, ainsi que par des créateur·rice·s numériques, le rapport Reda a déclenché une énorme polémique, du fait de la radicalisation des positions des industries culturelles et des ayants droit. Accrochés à une vision maximaliste du droit d’auteur, ces lobbies en sont arrivés à s’opposer au principe même des exceptions au droit d’auteur, mécanisme d’équilibrage pourtant consubstantiel à celui-ci.
Finalement, malgré un fort soutien populaire et les efforts de Julia Reda, c’est un rapport largement détricoté par les eurodéputé·e·s qui a été adopté le 9 juillet 2015. Seules quelques avancées ont subsisté jusqu’au vote final – notamment en faveur de la recherche ou des bibliothèques – mais le rapport a maintenu un statu quo sur l’essentiel.
Une police privée au service des ayants droit
Dans le même temps, les nouveaux et nouvelles commissaires européen·ne·s ont persisté dans la lignée de leurs aîné·e·s, cherchant à faire appliquer volontairement par les intermédiaires techniques les pires dispositions de l’accord ACTA, sans avoir à risquer une modification du cadre législatif en vigueur. Leur stratégie a été de mettre en place une approche Follow The Money, c’est-à-dire d’assécher les ressources financières des sites centralisés mettant à disposition des œuvres protégées. Pour ce faire, la Commission souhaitait pousser des solutions extra-législatives et extra-judiciaires afin que les hébergeurs et les GAFAM4Acronyme désignant Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. agissent d’eux-mêmes pour mettre fin à leur relation avec ces sites. Outre que cette approche contourne une nouvelle fois le Parlement européen, elle aboutit, comme ACTA l’aurait provoqué, à transformer les intermédiaires techniques en « police privée du droit d’auteur », capable de sanctionner ou d’absoudre des sites sans passer par la justice, malgré les risques évidents de dérive et les limites de cette approche.
Au terme de ces multiples atermoiements et reculades, la Commission européenne, plutôt que d’engager le processus de révision de la directive sur le droit d’auteur, a initié une… nouvelle consultation, sur des sujets limités et déjà traités dans la consultation de 2013 ! La Commission a choisi de se focaliser sur la liberté de panorama, une exception déjà largement implémentée au niveau européen – mis à part dans quelques pays particulièrement conservateurs, comme la France – et de mettre sur la table l’idée de créer un nouveau droit voisin au profit des éditeurs, qui verrouillerait encore davantage le système.
Ainsi, au cours des 4 dernières années, la Commission européenne est donc parvenue à détourner de nombreuses énergies collectives et individuelles dans des discussions et consultations intrinsèquement biaisées et destinées à légitimer les décisions qu’elle tente d’imposer depuis des années. Les pistes de ses prochains travaux en la matière devraient être présentées à la rentrée 2016, et risquent d’être limitées à la question du geoblocking et des exceptions en faveur du Text et Data Mining, toujours à mille lieues d’une réelle réforme du droit d’auteur.
La non-exception (culturelle) française
Au niveau français, la politique menée en matière de droit d’auteur durant cette même période a été très proche de celle de la Commission européenne, l’une et l’autre se nourrissant mutuellement.
Au cours de toutes les procédures et discussions concernant l’accord ACTA, les eurodéputé·e·s français·es ont joué un rôle important, que ce soit pour le soutenir ou pour s’y opposer, et ce jusqu’au vote final ; parmi les 39 voix exprimées en la faveur de l’accord, 21 étaient françaises. Au niveau national, si le candidat à l’élection présidentielle François Hollande appelait au rejet de l’ACTA et promettait l’abrogation de la loi Hadopi5Le 45e de ses 60 engagements pour la France (.pdf) : Je remplacerai la loi Hadopi par une grande loi signant l’acte 2 de l’exception culturelle français, qui conciliera la défense des droits des créateurs et un accès aux œuvres par Internet facilité et sécurisé. La lutte contre la contrefaçon commerciale sera accrue en amont, pour faire respecter le droit d’auteur et développer les offres en ligne. Les auteurs seront rémunérés en fonction du nombre d’accès à leurs œuvres grâce à un financement reposant sur les acteurs économiques qui profitent de la circulation numérique des œuvres., ses engagements auront rapidement laissé place au plus grand flou, puis au revirement en faveur des ayants droit.
et son soutien à la contribution créative
Ainsi, à la fin de l’été 2012, plutôt que d’engager une réforme volontaire, François Hollande confiait à Pierre Lescure la réalisation d’un rapport sur « l’acte II de l’exception culturelle française », après consultation des acteurs en présence. La Quadrature du Net a refusé de participer au processus, en raison de la partialité objective de Pierre Lescure, incarnation du mélange des genres entre intérêts industriels et médiatiques et réseaux d’amitiés politiques6Après avoir été PDG de Canal+ aux cotés de Denis Olivennes – lui même à l’origine du rapport éponyme qui a inspiré la loi Hadopi – Pierre Lescure a siégé au conseil d’administration ou de surveillance de Havas, de Lagardère et de deux sociétés qui jouent un rôle essentiel dans les dispositifs de contrôle d’usage des œuvres (DRM) : Kudelski et Technicolor. Dans son rapport annuel de 2011, le groupe Kudelski indiquait par exemple que parmi les opportunités de développement identifiées, le Groupe Kudelski a pris la décision d’investir de façon sélective dans les deux secteurs que sont la cybersécurité et la valorisation de la propriété intellectuelle.
Selon ses dires, Pierre Lescure aurait lui-même proposé sa mission à François Hollande, grâce à ses relations amicales avec le candidat. En 2016, il participe à la création d’une plateforme de streaming accessible avec abonnement..
Christine Albanel et Pierre Lescure
Publié en mai 2013, le rapport Lescure préconisait d’écarter la légalisation du partage non-marchand sur Internet et de maintenir la riposte graduée de la loi Hadopi, tout en transférant le contrôle de la haute autorité au CSA. Plusieurs autres mesures répressives étaient mises en avant dans le rapport, comme la généralisation des systèmes de filtrage automatisé des contenus sur les grandes plateformes en ligne. Même si le rapport Lescure conseillait aussi d’engager quelques réformes positives, en faveur de la reconnaissance du domaine public, des usages transformatifs (mashup, remix) ou des licences libres, ces propositions ont été méthodiquement enterrées par le gouvernement. Celui-ci n’a finalement retenu du rapport que sa partie répressive, trahissant définitivement les promesses de François Hollande.
Un an plus tard, c’est cette fois Mireille Imbert-Quaretta (en charge de la riposte graduée à la Hadopi) qui remettait un nouveau rapport au Ministère de la Culture et à la ministre Aurélie Filippetti. À nouveau, celui-ci recommandait la mise en place de mesures très proches de celles de l’accord ACTA, impliquant les intermédiaires techniques pour l’application du droit d’auteur.
Sur la base de ces recommandations, le Ministère de la Culture a élaboré, d’abord avec les régies publicitaires, puis avec les intermédiaires du paiement en ligne, des « Chartes de bonne conduite », aux termes desquelles ces acteurs s’engagaient à rompre leurs relations avec les « sites contrefaisants ». Cette approche a abouti à l’élaboration, dans le plus grand secret et sans aucun contrôle du pouvoir législatif, de listes noires de sites Internet, en dehors de l’appréciation d’un juge. C’est ce type de montages extra-judiciaires et extra-législatifs que le gouvernement n’aura ensuite de cesse de pousser au niveau européen, en accord avec la Commission, tout en demandant une réouverture de la directive eCommerce de 2000 pour aggraver la responsabilité des intermédiaires techniques – transposée en droit français dans la LCEN7La Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique. À l’origine, censée exonérer les intermédiaires techniques du Net de la responsabilité des propos diffusés par les utilisateur·rice·s de leurs services, mais régulièrement modifiée pour accroître leur responsabilité depuis..
Parallèlement, les ayants droit français se sont lancés dans des actions en justice pour demander et obtenir le blocage de sites de streaming et de partage en ligne (Allostreaming en 2013, puis The Pirate Bay en 2014). Ce type de mesures, aisément contournables techniquement et présentant des risques avérés de surblocage, traduisaient surtout une fuite en avant de la politique répressive, alors que les enquêtes montrent que, malgré la riposte graduée et le recours au blocage judiciaire, la France reste l’un des pays où les internautes ont le plus recours à l’accès illicite aux œuvres.
Quelles perspectives pour une réforme positive du droit d’auteur ?
La période qui a suivi le rejet d’ACTA n’est cependant pas totalement sombre. Du fait même de la politique répressive absurde auquel il fait face depuis des années, le partage non-marchand des œuvres entre individus a régressé au profit du recours à des plateformes centralisées de Direct Download ou de Streaming. Mais les pratiques transformatives (mashup, remix, détournements, fanfictions, etc.) sont de plus en plus développées, tandis que le partage des œuvres sous licence libre ou de libre diffusion ne cesse de croître (plus d’un milliard d’œuvres en Creative Commons en 2015). Par ailleurs, le partage non-marchand dans des plateformes non publiques avec accès par cooptation (closed trackers ou hubs) et celui utilisant des dispositifs physiques comme les clés USB a continué à se développer, et donne aujourd’hui accès à un grand nombre d’œuvres inaccessibles dans les circuits commerciaux. Si cette évolution montre elle aussi l’importance de ces pratiques culturelles dans les vies quotidiennes d’un grand nombre d’individus, elle contribue malheureusement à reproduire et amplifier des inégalités sociales pré-existantes, et tend à réserver l’accès aux ressources culturelles à celles et ceux déjà les mieux doté·e·s en capitaux techniques, économiques et/ou sociaux.
Les « offres légales » développées par les industries culturelles prennent de plus en plus la forme d’abonnements à des offres illimitées en streaming, en contrepartie d’un forfait mensuel (modèle économique des Deezer, Spotify, Apple Music, Google Red et autre Netflix). Au final, ces offres finissent par constituer de véritables « licences légales privées », plus onéreuses pour les consommateur·rice·s, renforçant le pouvoir des intermédiaires, n’assurant pas une juste rémunération aux créateur·rice·s, et bénéficiant largement des politiques répressives menées au nom du droit d’auteur. Le modèle de la contribution créative prôné par La Quadrature du Net permet de repenser en profondeur la question du financement de la création pour imaginer d’autres modes de répartition, évitant la concentration des revenus sur un tout petit nombre de créateur·rice·s et favorisant le soutien à un plus grand nombre d’individus désireux de s’engager dans des pratiques créatives.
En fin de quinquennat, le gouvernement a lancé deux chantiers législatifs qui ont réouvert le dossier de la réforme du droit d’auteur. Le premier, la loi « Création », avait pourtant initialement fait l’impasse sur ces questions, revenues par voie d’amendements parlementaires, notamment au sujet de la liberté de panorama. Hélas, des débats houleux et pollués par un déchaînement des représentant·e·s des ayants droit n’auront abouti qu’à une exception quasi-inutilisable et à des atteintes au domaine public. Pire, les assemblées adopteront en fin d’examen du texte un régime de gestion collective obligatoire sur l’indexation des images par les moteurs de recherche, très contestable dans son principe et susceptible d’avoir de graves répercussions pour les créateur·rice·s d’images sous licence libre.
Le second chantier, la loi « République numérique », a donné lieu à une consultation en ligne à laquelle de nombreuses personnes ont contribué, s’exprimant massivement en faveur du logiciel libre, de la défense du domaine public, de l’affirmation des Communs, de la neutralité du Net, du renforcement de la protection des données personnelles, du droit au chiffrement des communications ou de l’open access. Sans grande surprise après les expériences similaires menées par la Commission européenne, ces demandes seront écartées avant même de pouvoir être discutées au Parlement. Le texte final n’apportera que quelques avancées marginales, notamment en faveur du Text et Data Mining pour la recherche. Les autres dispositions concernant la réforme du droit d’auteur, notamment sur la reconnaissance des Communs, n’auront pas survécu à la pression des ayants droit, pourtant incapables d’avancer un argument solide pour affirmer qu’elle leur porterait tort. Chacun·e jugera librement les systèmes de valeurs de celles et ceux que le choc symbolique qu’aurait constitué la reconnaisse des droits de chacun à accéder à un ensemble de biens communs amène à l’hystérie.
Depuis le rejet d’ACTA, les seuls signes clairement positifs en matière de droit d’auteur sont en réalité venus des juridictions de l’Union européenne. La CJUE a rendu une série de décisions sur le statut des liens hypertexte, qui vont graduellement dans le sens des propositions de La Quadrature du Net en faveur d’une « liberté de la référence ». Si elle a accepté le principe du blocage judiciaire des sites contrefaisants, la Cour s’est par contre clairement opposée aux obligations de filtrage généralisé. La Cour Européenne des Droits de l’Homme, de son côté, développe une jurisprudence sur l’équilibre des droits fondamentaux qui rompt avec la vision classique du droit d’auteur où les usages ne sont couverts que par des exceptions limitées. Sur cette base, les usages transformatifs (mashup, remix) pourraient à terme se voir reconnus, au nom de la liberté d’expression.
Mais quatre ans après la victoire contre ACTA, à l’heure où les injonctions au partage sont omniprésentes dans le discours public, tant pour nos données personnelles que pour nos biens matériels, la grande question culturelle soulevée par Internet reste toujours entière ; comment légaliser le partage de la culture à l’heure du numérique, tout en assurant un financement de la création qui bénéficie au plus grand nombre de créateur·rice·s ? Les mécanismes traditionnels du droit d’auteur rejettent dans l’illégalité des pratiques culturelles largement répandues dans la population, sans pour autant assurer à l’immense majorité des créateur·rice·s des moyens décents de subsistance. Dans le même temps, les études académiques consacrées à ces pratiques concluant à leur effet nul ou positif pour le marché des biens culturels s’accumulent, et restent ignorées des législateurs.
Au final, l’échec continu à réformer le droit d’auteur renvoie aussi et surtout à un profond malaise dans nos démocraties, incapables de s’extraire du jeu des lobbies et davantage portées sur la répression que sur la promotion des capacités créatives des individus. Afin de parvenir à la sortie de cette interminable impasse politique et culturelle, la seule voie possible semble de continuer à œuvrer ensemble pour la construction d’un nouveau rapport de forces politiques rendant enfin impossible le contournement de la volonté populaire.
References
↑1 | Pour ne prendre que l’exemple de la Pologne, le mouvement de contestation y est considéré comme le plus important de l’histoire du pays depuis 1989, avec des centaines de milliers de manifestant·e·s dans les rues. |
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↑2 | L’ayant droit est la personne détenant un droit du fait de son lien avec l’auteur. Ce terme est utilisé quand on parle des droits patrimoniaux de l’œuvre. À quelques exceptions près, l’exploitation d’une œuvre d’auteur est interdite sans l’autorisation de ses ayants droit. Par exemple, les héritiers, les sociétés de gestion des droits d’auteur ou les éditeurs sont des ayants droit. |
↑3 | SOPA et PIPA étaient des projets de loi américains proposant de réprimer le partage en ligne au nom du droit d’auteur. |
↑4 | Acronyme désignant Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. |
↑5 | Le 45e de ses 60 engagements pour la France (.pdf) : Je remplacerai la loi Hadopi par une grande loi signant l’acte 2 de l’exception culturelle français, qui conciliera la défense des droits des créateurs et un accès aux œuvres par Internet facilité et sécurisé. La lutte contre la contrefaçon commerciale sera accrue en amont, pour faire respecter le droit d’auteur et développer les offres en ligne. Les auteurs seront rémunérés en fonction du nombre d’accès à leurs œuvres grâce à un financement reposant sur les acteurs économiques qui profitent de la circulation numérique des œuvres. |
↑6 | Après avoir été PDG de Canal+ aux cotés de Denis Olivennes – lui même à l’origine du rapport éponyme qui a inspiré la loi Hadopi – Pierre Lescure a siégé au conseil d’administration ou de surveillance de Havas, de Lagardère et de deux sociétés qui jouent un rôle essentiel dans les dispositifs de contrôle d’usage des œuvres (DRM) : Kudelski et Technicolor. Dans son rapport annuel de 2011, le groupe Kudelski indiquait par exemple que parmi les opportunités de développement identifiées, le Groupe Kudelski a pris la décision d’investir de façon sélective dans les deux secteurs que sont la cybersécurité et la valorisation de la propriété intellectuelle. Selon ses dires, Pierre Lescure aurait lui-même proposé sa mission à François Hollande, grâce à ses relations amicales avec le candidat. En 2016, il participe à la création d’une plateforme de streaming accessible avec abonnement. |
↑7 | La Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique. À l’origine, censée exonérer les intermédiaires techniques du Net de la responsabilité des propos diffusés par les utilisateur·rice·s de leurs services, mais régulièrement modifiée pour accroître leur responsabilité depuis. |