Paris, le 24 juin 2010 – À quelques jours du prochain round de négociations, la fuite d’un document émanant de la Présidence de l’UE révèle que les États Membres font pression pour imposer de nouvelles sanctions pénales dans l’Accord Commercial Anti-Contrefaçon (ou ACTA). La proposition révélée dans ce document montre à quel point tout le processus des négociations de l’ACTA est illégitime et dangereux, tout en exposant une position effrayante de l’UE qui appelle à davantage de répression pour les usages à but non-commercial… et pour leur incitation.
Le neuvième round de négociations1Du 28 juin au 2 juillet de l’ACTA débutera dans quelques jours à Lucerne, en Suisse. Une nouvelle fuite, datée du 7 avril, prouve que les États Membres, au travers de la Présidence du Conseil de l’Union européenne, négocient les parties les plus dures de l’ACTA. Le fait que la Présidence négocie aux côtés de la Commission 2Même si la Commission est le négociateur officiel de l’UE, elle ne peut négocier que sur les questions commerciales. Puisque les sanctions pénales relèvent de la compétence des États Membres, elles sont donc négociées par le Conseil représenté par la Présidence. suffit à montrer que l’ACTA va au-delà du cadre d’un simple accord commercial. Il est extrêmement choquant que les sanctions pénales (peines de prison !) soient négociées au lieu d’être débattues dans des enceintes démocratiques par des représentants élus. Un tel déni de démocratie justifie à lui seul le rejet du processus entier de l’ACTA, quel que soit le texte final de l’accord.
Mais le contenu de la position promue par les États Membres de l’UE est encore plus inquiétant. Le document de la Présidence affirme que « La position des États Membres de l’UE n’est toujours pas définie » pour ce qui concerne l’article 1.14.1 qui traite des infractions au droit d’auteur ou aux droits voisins. Comme on peut le voir dans le texte publié de l’ACTA, certaines propositions pour l’article 2.14.1 prévoient explicitement d’appliquer des sanctions pénales aux « infractions qui ne sont pas motivées directement ou indirectement par le gain financier », et d’autres donnent une définition du gain financier qui inclut le fait d’obtenir quoi que ce soit sans payer3note de pied de page 37 du texte de l’ACTA publié dit explicitemement « Pour ce qui concerne cette Section, le gain financier inclut la réception ou l’attente de réception de n’importe quoi ayant de la valeur. » ce qui signifie par exemple que n’importe quel échange d’informations pourra être passible de sanctions.. L’UE fait clairement pression pour faire adopter de nouvelles sanctions pénales pour la contrefaçon, et elles viseront également les usages non-commerciaux. Si les sanctions pénales pour les échanges de données à but non-commercial sont inscrites dans la version finale de l’article 2.14.1, alors les sanctions pénales pour « incitation, aide et complicité » s’appliqueront automatiquement4page 3 : « Les dispositions de cette section s’appliqueront à l’incitation, et la complicité dans le cadre des infractions visées par l’article 2.14.1 ».. Les conséquences pour la liberté d’expression et pour l’innovation sur Internet pourraient s’avérer catastrophiques.
« L’accord ACTA, par son opacité et sa nature anti-démocratique, permet que les sanctions pénales soient simplement négociées. Le document fuité montre que les États Membres de l’UE tentent d’imposer des peines de prison pour l’usage non-commercial d’œuvres protégées sur Internet, ainsi que pour « incitation et complicité » ; une notion très large qui peut couvrir tous les services Internet ou les discours qui remettent en cause la façon dont est appliqué le droit d’auteur. Les citoyens de l’UE doivent interroger leurs gouvernements sur leur soutien à une politique qui porte atteinte à la liberté d’expression, la vie privée et l’innovation. À l’occasion du prochain round de négociations et au-delà, l’ACTA doit être combattu sans répit, dans le monde entier. » conclut Jérémie Zimmermann, porte parole du collectif citoyen La Quadrature du Net.
References
↑1 | Du 28 juin au 2 juillet |
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↑2 | Même si la Commission est le négociateur officiel de l’UE, elle ne peut négocier que sur les questions commerciales. Puisque les sanctions pénales relèvent de la compétence des États Membres, elles sont donc négociées par le Conseil représenté par la Présidence. |
↑3 | note de pied de page 37 du texte de l’ACTA publié dit explicitemement « Pour ce qui concerne cette Section, le gain financier inclut la réception ou l’attente de réception de n’importe quoi ayant de la valeur. » ce qui signifie par exemple que n’importe quel échange d’informations pourra être passible de sanctions. |
↑4 | page 3 : « Les dispositions de cette section s’appliqueront à l’incitation, et la complicité dans le cadre des infractions visées par l’article 2.14.1 ». |