Aujourd’hui, le fournisseur d’accès Internet associatif French Data Network (FDN) et La Quadrature du Net ont déposé auprès du Conseil d’État un recours en annulation contre un décret d’application de la loi HADOPI.
Ce recours signé par FDN, qui a intérêt à agir en sa qualité de fournisseur d’accès Internet, concerne le décret n°2010-236 du 5 mars 2010 relatif au « Système de gestion des mesures pour la protection des œuvres sur Internet », qui est entaché d’un vice de forme. Il est en effet reproché au gouvernement d’avoir omis de consulter l’Arcep, comme l’y oblige pourtant l’article 36-5 du Code des postes et communications électroniques.
De : Benjamin Bayart
Président de l’association FDN (French Data Network (Réseau de Données Français) déclarée en préfecture de police de Paris)À : Conseil d’État
Bureau du greffe
1, Place du Palais Royal
75001 ParisObjet : Recours contre le décret n° 2010-236 du 5 mars 2010 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel autorisé par l’article L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle dénommé « Système de gestion des mesures pour la protection des œuvres sur Internet », publié au journal officiel n°0056 du 7 mars 2010 (page 4680).
PJ : Copie du décret susmentionné.
Paris, le 6 mai 2010Madame, Monsieur,
Par le présent recours, les requérants demandent au Conseil d’État d’annuler le décret 2010-236 du 5 mars 2010 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel autorisé par l’article L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle dénommé « Système de gestion des mesures pour la protection des œuvres sur Internet ».
Notre intérêt à agir est lié au fait que l’association requérante, dénommée FDN, est destinataire du décret attaqué en sa qualité de fournisseur d’accès à des services de communication au public en ligne déclaré auprès de l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). En effet, ce décret met en place un traitement automatisé de données à caractère personnel et prévoit en son article 8 qu’il sera interconnecté avec les traitements mis en œuvre par les opérateurs de communications électroniques, et notamment les fournisseurs d’accès à Internet. Au demeurant, il n’est pas à démontrer que la mise en place et le fonctionnement de ce système aura des répercussions financières sur lesdits fournisseurs d’accès.
Ce décret est entaché d’un vice de forme puisque le Gouvernement a omis de consulter l’ARCEP, et ce alors que la loi le lui impose conformément à l’article L.36-5 du Code des postes et communications électroniques. Cet article dispose en effet : « L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques et participe à leur mise en œuvre. »
Or, il ne fait pas de doute que le décret attaqué concerne des opérateurs commerciaux qui sont des acteurs essentiels du secteur des communications électroniques. La fourniture d’un accès à des services de communication au public en ligne constitue à l’évidence une activité relevant du secteur des communications électroniques au sens de la loi du 30 septembre 1986 et de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. En effet, l’article 1er de la Loi du 30 septembre 1986 dispose : « on entend par communications électroniques les émissions, transmissions ou réceptions de signes, de signaux, d’écrits, d’images ou de sons, par voie électromagnétique ». L’article 1er de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 dispose quant à lui : « On entend par communication au public en ligne toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n’ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d’informations entre l’émetteur et le récepteur ».
Cette consultation imposée par la loi fait donc défaut en l’espèce. Or, il s’agit au sens de votre jurisprudence d’une formalité substantielle justifiant une annulation dudit décret. Non seulement la consultation est imposée par la loi, mais en outre cette omission a pu exercer une influence sur la décision. Plus généralement cette formalité avait à l’évidence pour objet d’accorder des garanties aux administrés (votre arrêt Baillou rendu le 27 juillet 1984 Rec. p. 306). Cette omission est donc de nature à entraîner l’illégalité du décret attaqué.
Pour ces raisons, les requérants demandent qu’il plaise au Conseil d’État d’annuler le décret du 5 mars 2010.
Benjamin Bayart