Paris, 29 mars 2010 – L’une après l’autre, les fuites ont dévoilé la vérité sur les négociations de l’Accord Commercial Anti Contrefaçon (ACTA, de son acronyme anglais). Les commentaires se concentrent sur des points spécifiques et les nuances des positions des différents pays qui prennent part aux négociations. Dans ce contexte d’information partielle, La Quadrature du Net souligne les trois raisons principales de rejeter le principe même de l’ACTA: le blanchiment politique ; une approche globale qui confond différents domaines ou activités et compromet l’accès à la connaissance, à la santé et à l’innovation ; des risques réels d’atteintes aux droits fondamentaux tels que la liberté d’expression et de communication.
Ces trois points ont été documentés dans chacun des documents révélés depuis le début du processus de négociations de l’ACTA :
- ACTA est un blanchiment de politique[fn]« De même que le money laundering (blanchiment d’argent) consiste à dissimuler l’origine de fonds acquis de façon délictueuse en les recyclant dans les activités légales, le policy laundering consiste à utiliser les organisations internationales pour mettre en place des politiques que se heurtent à la résistance des institutions nationales. Adoptées comme des décisions auxquelles les Etats sont tenus de se conformer, ces politiques échappent au débat démocratique : ‘Le recyclage est ainsi obtenu au prix d’un contournement du processus législatif’.» Mireille Delmas-Marty, Libertés et sûreté dans un monde dangereux, Seuil, 2010, p. 133. La citation dans la citation est de Colombe Camus, in La guerre contre le terrorisme, Editions du Félin, p. 109.[/fn] par lequel une négociation internationale est utilisée pour court-circuiter les débats démocratiques au niveau national ou européen, et faire adopter des politiques que les Parlements n’auront d’autre choix que de rejeter en bloc ou de ratifier dans leur ensemble. Le Congrès pourrait même ne pas être consulté dans le cas des États-Unis[fn]Voir l’article de Goldsmith et Lessig dans le Washington Post: http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/03/25/AR2010032502403.html[/fn].
- Les promoteurs et rédacteurs de l’ACTA ont créé une salade composée de multiples catégories de titres[fn]Brevets, droit d’auteur, droit des marques, etc.[/fn], d’infractions et de mesures d’exécution des droits, dans laquelle de faux produits potentiellement mortels et des organisations criminelles sont mis au même rang que des activités à but non-lucratif qui jouent un rôle dans l’accès au savoir, l’innovation, la culture et la liberté d’expression. ACTA généraliserait, de facto, une présomption d’infraction.
- Dans les négociations, l’Union européenne cherche à introduire les pires éléments de la proposition de directive européenne relative aux sanctions criminelles en matière de protection de la propriété intellectuelle (IPRED 2, finalement abandonnée pour cause d’incertitude sur sa base légale), en particulier des sanctions pénales pour encouragement ou incitation à la contrefaçon.
Pour de plus amples informations sur ces trois points, lisez notre analyse : « Les fondamentaux de l’ACTA » [fn]http://www.laquadrature.net/en/brief-the-fundamentals-of-acta[/fn].
« Contrairement à ce que prétendent les négociateurs et personnes en charge de l’ACTA au sein des gouvernements nationaux, nous sommes en train d’assister à une offensive directe contre la liberté d’expression et les droits fondamentaux, ainsi qu’à l’élaboration de procédures généralisant le contournement du contrôle démocratique. ACTA doit être abandonné: c’est une condition pour qu’un processus plus raisonnable de collaboration internationale en matière de lutte contre la contrefaçon puisse s’engager, », explique Philippe Aigrain, co-fondateur et conseiller stratégique de La Quadrature du Net.