Parcoursup : fin partielle de l’omerta sur les algorithmes locaux

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Dans sa décision QPC du 3 avril dernier, le Conseil constitutionnel a estimé que les algorithmes locaux, utilisés par les Universités pour sélectionner les étudiant·es dans le cadre de la procédure Parcoursup, doivent faire l’objet d’une publication après la procédure. Cette affaire, initiée par l’UNEF et dans laquelle La Quadrature du Net est intervenue, permet de lever – en partie – le voile sur l’opacité dangereuse des algorithmes qui sont utilisés de manière démesurée par l’État et ses administrations.

Parcoursup est une plateforme développée par le gouvernement et qui a pour objectif de gérer les vœux d’affectation des futur·es étudiant·es de l’enseignement supérieur. À ce titre, chaque établissement peut s’aider d’algorithmes (appelés « algorithmes locaux », car propres à chaque établissement) pour se faciliter le travail de comparaison entre les candidat·es. En pratique, il s’agit de simples feuilles de calcul. Les critères de ces algorithmes et leurs pondérations ne sont pas connu·es, et des soupçons de pratiques discriminatoires, notamment fondées sur le lycée d’origine des candidat·es, ont été émis par le Défenseur des droits. L’UNEF, syndicat étudiant, a alors demandé la communication de ces algorithmes locaux et, face au refus des Universités, s’est retrouvé devant le Conseil constitutionnel. La Quadrature du Net s’est jointe à l’affaire, et nous avons soutenu l’impératif de transparence.

En effet, jusqu’à présent, les juges administratifs et le Conseil d’État interprétaient la loi comme interdisant toute publication de ces algorithmes locaux, c’est-à-dire les critères utilisés et leurs pondérations. Le secret des délibérations était brandi pour refuser la transparence, empêchant ainsi de contrôler leur usage et la présence éventuelle de pratiques discriminatoires.

Dans sa décision, si le Conseil constitutionnel a considéré que la loi attaquée est conforme à la Constitution, il y a rajouté une réserve d’interprétation1Une réserve d’interprétation est une clarification par le Conseil constitutionnel du sens de la loi, dans l’hypothèse où plusieurs lectures du texte auraient été possibles. La réserve d’interprétation permet de « sauver » un texte de loi en ne retenant qu’une interprétation conforme à la Constitution et en écartant toute autre lecture. : la liste exhaustive des critères utilisés par les Universités devra être publiée a posteriori. Cette réserve d’interprétation change radicalement le sens de la loi et c’est un début de victoire : elle crée une obligation de publication de l’ensemble des critères utilisés par les Universités, une fois la procédure de sélection terminée. En revanche, il est extrêmement regrettable que les pondérations appliquées à chaque critère ne soient pas couvertes par cette communication.

Autre point important, pour arriver à cette conclusion, le Conseil constitutionnel a dégagé un droit général de communication des documents administratifs, notion recouvrant les algorithmes2Pour rappel, c’est ce droit de communication que nous utilisons dans notre campagne Technopolice pour obtenir des documents sur les dispositifs de surveillance déployés par les communes.. Il a ainsi estimé que seul un intérêt général peut limiter ce droit à communication, et à condition que cette limitation soit proportionnée. C’est ainsi que, pour la procédure Parcoursup attaquée, il a estimé que ce droit serait bafoué s’il n’y avait pas communication des critères de sélection une fois la procédure de sélection terminée.

Cette décision pose un cadre constitutionnel clair en matière de communication des algorithmes : la transparence est la règle, l’opacité l’exception. Le Conseil constitutionnel a écarté les menaces de fin du monde brandies par le gouvernement et les instances dirigeantes du monde universitaire qui défendaient bec et ongles leur secret. S’il est déplorable que l’usage même de ces algorithmes pour fonder des décisions administratives n’ait pas été une seule fois questionné par le Conseil, ni les pondérations appliquées aux critères dans Parcoursup incluses dans l’obligation de communication, une nouvelle voie s’ouvre toutefois à nous pour attaquer certaines pratiques du renseignement, autre domaine où la transparence n’est pas encore acquise.

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1 Une réserve d’interprétation est une clarification par le Conseil constitutionnel du sens de la loi, dans l’hypothèse où plusieurs lectures du texte auraient été possibles. La réserve d’interprétation permet de « sauver » un texte de loi en ne retenant qu’une interprétation conforme à la Constitution et en écartant toute autre lecture.
2 Pour rappel, c’est ce droit de communication que nous utilisons dans notre campagne Technopolice pour obtenir des documents sur les dispositifs de surveillance déployés par les communes.