La Quadrature du Net et les FAI associatifs Franciliens.net, Rézine, FAImaison et Midway’s Network sont intervenus fin décembre devant le Conseil constitutionnel afin de lui demander de censurer le i) du 1°) de l’article 65 du code des douanes.
Ces dispositions permettaient aux agents des douanes d’accéder aux données de connexion conservées par les intermédiaires techniques (vous pouvez lire notre recours ici).
Ce texte pose deux problèmes fondamentaux : d’une part il s’appuie sur une conservation des données de connexion qui n’est pas conforme au droit européen, d’autre part, dans la procédure pour y accéder, aucune garantie n’était prévue (il n’y avait pas de délai d’effacement des données prévu, par exemple) ce que le Conseil Constitutionnel a systématiquement sanctionné ces dernières années.
Le 15 février 2019, le Conseil constitutionnel a fait droit à cette demande, et censuré les dispositions légales attaquées, aux motifs que « La communication des données de connexion est de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée de la personne intéressée » (voir la décision).
Le Conseil constitutionnel a considéré que, si le législateur avait réservé à certains agents des douanes soumis au respect du secret professionnel le pouvoir d’obtenir ces données dans le cadre d’opérations intéressant leur service et ne leur a pas conféré un pouvoir d’exécution forcée, il n’avait assorti la procédure prévue par les dispositions en cause d’aucune autre garantie. Dans ces conditions, toujours d’après le Conseil, le législateur n’avait pas entouré la procédure prévue par les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation équilibrée entre, d’une part, le droit au respect de la vie privée et, d’autre part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions.
Pour mémoire, cette victoire s’inscrit dans le sillage de précédentes actions. En particulier, en 2017, La Quadrature du Net avait remporté une victoire similaire, aux côtés de la Fédération des fournisseurs d’accès à Internet associatifs et de FDN, via les Exégètes Amateurs, à propos de dispositions législatives qui permettaient aux agents de l’Autorité des marchés financiers d’accéder aux mêmes données, dans des conditions identiques.
Le combat n’en est pas terminé pour autant ! En effet, le Conseil constitutionnel a préféré s’abstenir de répondre à une série de points qui étaient soulevés devant lui et qui concernaient le positionnement des données de connexion par rapport au champ couvert par le secret de correspondances, ou encore l’encadrement précis des conditions d’accès à de telles données, à l’instar de ce qu’a fait la Cour de justice de l’Union européenne, notamment dans sa jurisprudence de grande chambre de 2016 « Tele2 » (revoir l’argumentation que nous développons devant cette même Cour de justice contre le système de conservation des données de connexion dans son ensemble).
Par ailleurs, les dispositions qui ont été censurées avaient été abrogées par le législateur à compter du 1er janvier 2019. De nouvelles dispositions sont donc entrées en vigueur concomitamment à cette procédure (qui est donc distincte). Or, ces nouvelles dispositions prévoient désormais que l’accès des douanes aux données de connexion doit être préalablement autorisé par le procureur de la République, qui n’est pourtant pas une autorité indépendante au sens du droit européen, et s’abstiennent de prévoir une information des personnes concernées. Il s’agit pourtant de deux garanties (contrôle préalable par une autorité indépendante et notification de la mesure aux personnes concernées) qui sont exigées par le droit européen.
Le moment venu, nous ne manquerons pas de le rappeler. Notre intervention, et petite victoire, dans la procédure qui a pris fin le 15 février, visait surtout à renforcer des positions et symboles à invoquer dans la longue série de contentieux que nous avons déjà ouverts ou que nous prévoyons de lancer à l’avenir.