La VSA est illégale, et c’est un tribunal qui le dit
Enfin ! Le tribunal administratif de Grenoble a tranché en notre faveur le contentieux entre La Quadrature du Net et la commune de Moirans : l’utilisation par la ville du logiciel de vidéosurveillance Briefcam est disproportionnée et illégale.
La CNIL, qui couvre complaisamment l’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) par la police et la gendarmerie, avait laissé entendre que les communes pouvaient recourir aux logiciels de VSA pour analyser les images de vidéosurveillance dans le cadre d’une enquête judiciaire. Non, disions-nous, il n’y aucun texte qui autorise l’utilisation de cette surveillance par la police. Non, dit le tribunal avec nous, ces logiciels capables de reconnaître les personnes au niveau individuel et de les suivre dans la rue sont d’un usage disproportionné, et relèvent d’un traitement de données personnelles non autorisé par la loi.
Cette décision judiciaire est évidemment très importante pour la suite : les nombreuses communes qui utilisent Briefcam ou d’autres logiciels de VSA sont bel et bien dans l’illégalité. Elle permettra aux habitantes des nombreuses municipalités concernées de faire valoir leurs droits.
Cette victoire contre la VSA sera dignement fêtée lors du Dernier Quadrapéro du Monde le 7 février 2025.
Lire l’article : La justice confirme enfin l’illégalité de Briefcam
Proposition de loi « Narcotrafic » : nouvelle offensive de surveillance
C’est malheureusement devenu une habitude. Tout gouvernement, après avoir participé à la surenchère médiatique qui transforme chaque fait divers en preuve de la déliquescence de la société, appelle à un sursaut national et à des mesures vigoureuses pour sauver le pays du chaos. On vote une loi sécuritaire qui limite les droits et les libertés publiques, la société civile gueule, les pires mesures sont censurées, une bonne partie passe quand même, et on recommence six mois plus tard pour pousser le bouchon encore un peu plus loin. C’est le cas cette fois-ci avec la nouvelle loi contre le « narcotrafic » portée par le dernier ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau (LR).
Cette proposition de loi est aujourd’hui en discussion au Sénat. Les articles du texte et les amendements des sénateurs rivalisent d’inventivité pour mieux surveiller tout et tout le monde, dans l’idée cette fois de lutter contre le trafic de drogues et le cortège de violences mortelles qu’il entraîne. On retrouve de vieilles marottes : affaiblir le chiffrement des communications, activer à distance les micros et les caméras des appareils connectés, censurer des pages web sans l’aval d’un juge, etc. Seule innovation : un procès-verbal secret dans lequel les magistrats pourront apprendre comment les suspects ont été surveillés, par quels moyens techniques ou humains, mais auquel les suspects eux-mêmes ne pourront pas avoir accès. Une dangereuse entorse aux droits de la défense.
Ces dispositions ont été critiquées publiquement par l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN), dont fait partie La Quadrature du Net. Les mesures ajoutées par les amendements du Sénat sont décrites dans un article de La Quadrature paru cette semaine.
Lire le texte de l’OLN : PPL Narcotrafic : les droits et libertés à nouveau victimes de l’addiction aux lois sécuritaires
Le pire des amendements du Sénat : Quand la loi « Narcotrafic » devient la loi « Roue libre »
Plaintes contre X
Le 20 janvier dernier, dans le sillage de l’initiative HelloQuitteX, nous avons fermé notre compte sur X. L’idée était en discussion depuis un moment. Nous avions déjà renoncé depuis deux ans à toute interaction sur ce réseau, en nous contentant d’y relayer nos articles et les contenus préparés pour nos interventions sur le Fediverse. Ce départ final est la suite logique d’un processus de désengagement commencé en 2019.
La Quadrature combat depuis longtemps le modèle des réseaux sociaux fermés qui retiennent les internautes dans leurs silos publicitaires géants et recentralisent le web, à l’inverse complet de son ambition de départ, spéculent sur la polarisation violente des « discussions » et l’encouragent même activement, tout en livrant la modération des échanges à un duo toxique entre des États surveillants-censeurs et des groupes privés, parfois plus riches que les États eux-mêmes, qui défient les lois européennes.
Contre ces géants toxiques, nous défendons le modèle de l’interopérabilité entre des réseaux divers, pluralistes, fédérés ou non, sans coexistence obligatoire des contraires qui livre les uns à l’hostilité des autres. Ce qui retient souvent les internautes sur un réseau social propriétaire, c’est la crainte de perdre tout un réseau de sociabilité, ou une audience pour un média ou une association. Alors on reste dans un enclos où les insultes, le harcèlement et les « raids » tiennent lieu de liberté d’expression et de débat public. Le développement de réseaux sociaux interopérables (Fediverse par exemple) offre une sortie viable de ce huis-clos étouffant. Il ne manquait qu’une solution pratique pour prévenir ses contacts et les retrouver sur les autres réseaux (portabilité des données), ce que propose HelloQuitteX.
L’annonce de notre départ de X a provoqué, sur X, une vague d’insultes en provenance des milieux identitaires, souverainistes et confusionnistes, qui prétendent que notre départ mettrait en cause leur liberté d’expression (la logique n’est pas leur point fort), avec des arguments qui circulent depuis des années à l’extrême-droite (nous recevons depuis 2008 un financement de soutien de la Open Society Foundation fondée par George Soros, à hauteur de 10% environ de notre budget annuel, ce qui fait de nous des agents de la CIA, du grand capital ou du cosmopolitisme judéo-maçonnique mondialiste, au choix ou tout ensemble). Soit la preuve par neuf qu’on avait raison de quitter X. Notre conviction, c’est que ce n’est pas sur un réseau social aussi toxique et aussi biaisé que X que se jouera la nécessaire bataille contre l’extrême droite. Vous pouvez nous suivre sur Mastodon.
Notre annonce du 20 janvier : Nous quittons Twitter
Tribune collective contre le marché publicitaire de la haine en ligne : Les contenus haineux et négatifs sont rentables pour les médias sociaux publicitaires
Le contrôle défaillant des services de renseignement
Les services de renseignement ont par définition une activité discrète. Depuis la loi Renseignement de 2015, contre laquelle La Quadrature et d’autres avaient activement milité pendant plusieurs mois, une autorité de contrôle des techniques de renseignement a cependant été créée, en particulier pour encadrer l’utilisation des moyens numériques de surveillance les plus intrusifs. Mais ses moyens sont limités, et sa proximité avec les services qu’elle est censée contrôler affaiblissent son efficacité. Convié à parler lors d’un colloque autour de ces enjeux, le 14 octobre dernier, un membre de La Quadrature du Net a pris la parole pour faire le point sur le rôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Nous publions le texte de son intervention.
Lire l’article : Les trous noirs dans le contrôle des services de renseignement
Campagne de soutien 2025
Notre campagne de soutien pour 2025 est toujours ouverte. Vous pouvez nous faire un don sur notre site.
Agenda
- 7 février : Le dernier Quadrapéro du monde ! C’est à partir de 19h au 115 rue de Ménilmontant, Paris 20e.
- 7 février : Rencontre librairie autour du livre Technopolice : la surveillance policière à l’ère de l’intelligence artificielle à Bordeaux. C’est à 19h à la Librairie du Muguet (Athénée Libertaire), 7 Rue du Muguet, Bordeaux.
- 13 février : Causerie mensuelle Technopolice Marseille, à 19h au Manifesten, 59 Rue Adolphe Thiers, Marseille.
- Retrouvez tout l’agenda en ligne.
La Quadrature dans les médias
[VSA] Briefcam à Moirans
- Vidéosurveillance algorithmique : le tribunal administratif de Grenoble interdit BriefCam [Mediapart]
- Reconnaissance faciale : une ville d’Isère priée de renoncer au logiciel de vidéosurveillance Briefcam [Le Figaro]
- Sa vidéosurveillance algorithmique jugée illégale, Moirans sommée de cesser de l’utiliser [Le Dauphiné libéré]
- Vidéosurveillance: une ville de l’Isère enjointe à renoncer au logiciel Briefcam [Journal de Bruxelles]
- Vidéosurveillance algorithmique : la Quadrature du Net et la CNIL s’affrontent sur les données personnelles [L’Informé]
- Vidéosurveillance algorithmique : Briefcam bousculé devant le tribunal administratif de Grenoble [Mediapart]
Intelligence artificielle
- [À écouter] Les limites planétaires et l’IA [IA en question]
- [À écouter] La Technopolice en France [IA en question]
- Intelligence artificielle : la France ouvre la voie à la surveillance de masse en Europe [Investigate Europe]
- Reconnaissance faciale, analyse des émotions… Comment la France a volontairement affaibli l’AI Act [Usbek & Rica]
Drones
- La surveillance policière par drone s’enracine en France [Numerama]
- Le Conseil d’Etat valide l’emploi de drones à des fins de maintien de l’ordre [L’Usine digitale]
Réseaux sociaux
- [À écouter] Moins de vérifications, moins de modération : à quoi s’attendre sur les réseaux sociaux ? [RFI]
- « HelloQuitteX » : partir ou ne pas céder le terrain à l’extrême droite, le débat qui divise la gauche [L’Humanité]
- Le réseau social X peut-il être banni de France, comme le suggèrent plusieurs responsables politiques ? [France Info TV]
- Rester sur X ou faire une croix sur ses abonnés ? Les comptes les plus suivis face à un dilemme sur un réseau social devenu problématique [France Info TV]
- Qui se cache derrière le collectif «HelloQuitteX», qui appelle à quitter le réseau social d’Elon Musk ? [Le Figaro]
Divers
- Les quatre impasses du RSA sous conditions, désormais généralisé [Alternatives économiques]
- Dix ans après les attentats de janvier 2015, les services chargés de la lutte antiterroriste ont changé leurs pratiques [Le Monde]
- Vidéosurveillance algorithmique dans les supermarchés : la « tactique des petits pas » porte ses fruits [ZDNet]
- « La lutte contre la fraude aux prestations sociales n’est pas motivée par des raisons financières », Vincent Dubois, sociologue [Viva]