Il y a plus d’un an, le gouvernement autorisait par décret la gendarmerie à utiliser une application de prise de notes sur téléphone mobile intitulée GendNotes. Nous avions déposé un recours contre ce décret devant le Conseil d’État l’année dernière et venons tout juste de recevoir la défense du ministère de l’intérieur. Mais, alors que celle-ci aurait mérité plus de temps pour y répondre, la plus haute juridiction administrative accélère le pas et a d’ores et déjà prévu une audience lundi prochain, 29 mars, lors de laquelle le rapporteur public conclura au rejet partiel de notre recours.
Comme nous le dénoncions au moment de la publication du décret, l’application GendNotes fait l’impasse sur les garanties les plus élémentaires (lire notre premier mémoire). Alors que la CNIL pointait du doigt le fait que la rédaction du décret permet un transfert des données de GendNotes vers un nombre illimité d’autres fichiers de police, elle fut parfaitement ignorée. Nous alertions alors contre le fait que GendNotes est un cheval de Troie de la reconnaissance faciale puisqu’il permet une alimentation du fichier TAJ, lequel autorise de tels dispositifs de reconnaissance faciale.
La stratégie de défense du gouvernement consiste à affirmer que l’application GendNotes ne permettrait pas d’alimenter le TAJ. Le rapporteur public semble vouloir donner tort au gouvernement sur ce point puisqu’il prononcera lundi des conclusions qui vont dans le sens d’une annulation partielle du décret, précisément sur la question du transfert de données vers d’autres fichiers (dont le TAJ) ultérieurement à leur collecte dans GendNotesEnviron deux jours ouvrés avant l’audience, le sens des conclusions du rapporteur public est communiqué aux parties. Sans connaître le raisonnement tenu, nous connaissons déjà le résultat. Il faut cependant garder en tête que les conclusions du rapporteur public ne lient pas la formation de jugement et que le Conseil d’État, dans son arrêt final, peut très bien contredire les conclusions de son rapporteur public..
En revanche, le rapporteur public semble faire l’impasse sur la proportionnalité de ce traitement de données et les garanties apportées. Alors que GendNotes vise aussi à collecter des données sensibles (même si celles-ci ne peuvent être transférées dans d’autres fichiers de police) dans le seul objectif de faciliter la vie des gendarmes, nous dénoncions un gadget aux graves conséquences sur les droits et libertés. Le rapporteur public semble sur le point de valider un système dans lequel la police décide seule des informations collectées, sans que ne soit prévu un quelconque contrôle sur la pertinence des données ainsi collectées. Il semble également vouloir faire fi du principe de « nécessité absolue » pourtant requis par le droit et, nous le pensons, totalement absent dans ce dispositif gadget de prises de notes.
Dès 2017, un rapport de l’Assemblée nationale indiquait déjà l’existence et l’utilisation de l’application GendNotes. Celle-ci n’est toutefois qu’un élément parmi d’autres d’une désormais très longue liste de dispositifs de police utilisés en toute illégalité puis autorisés a posteriori. On pourrait citer le cas de la loi renseignement de 2015 qui légalisait les pratiques préexistantes des services de renseignement. On pourrait aussi citer l’exemple des drones, utilisés depuis de nombreuses années pour surveiller les manifestations avant que nous les fassions interdire par le Conseil d’État, et que la proposition de loi Sécurité Globale veut maintenant légaliser. Et que dire de la reconnaissance faciale du TAJ qui existait des années avant la création formelle du fichier de police et que la loi Sécurité Globale vise à étendre ?
Nous avons malgré tout, dans l’urgence, répondu au gouvernement. La décision finale qui suivra l’audience de lundi devrait arriver dans les prochaines semaines. Pour continuer ce combat sur des fronts de plus en plus nombreux, nous avons, plus que jamais, besoin de votre aide grace à vos dons.