Nous venons de déposer un recours devant le Conseil d’État contre l’extension du fichier du Système de contrôle automatisé (SCA). Depuis avril, ce fichier permet de conserver pendant 5 à 10 ans les informations relatives à une contravention ou un délit conduisant au paiement d’une amende forfaitaire. Nous attaquons cet énième fichier de police.
Le SCA — ou ADOC, pour « Accès au dossier des contraventions » — est un fichier de police qui permettait, avant avril, de conserver des informations relatives aux délits routiers. En avril, pendant le confinement, le gouvernement a détourné ce fichier pour y inscrire des informations relatives au non-respect du confinement. La police et la gendarmerie l’ont ainsi utilisé pour repérer les récidivistes, afin tout simplement, de les mettre en prison1Le non-respect des règles de confinement, aujourd’hui encore, vous expose à une amende de 135€, mais la récidive peut en effet vous conduire en prison..
Ce fichier ne permettant pas, à l’époque, de conserver des informations autres que sur les délits routiers, les procédures judiciaires ont depuis été annulées et les personnes relaxées.
Qu’à cela ne tienne. Puisque les tribunaux reprochaient à la police d’utiliser un fichier sans en avoir le droit, la police — par le biais du ministre de l’intérieur — a changé les règles du jeu. Et voilà que, depuis mi-avril 2020, toute infraction réprimée par une amende forfaitaire sera inscrite dans ce fichier, et cela pour une durée de 5 ans (pour les contraventions) à 10 ans (pour les délits).
Outre la méthode infâme et indigne d’un État de droit, cette manœuvre accentue de manière inquiétante le fichage de la population. Non seulement les infractions visées sont peu graves2C’est justement parce que ces infractions sont « peu graves » que l’on peut décider de de payer une amende forfaitaire au lieu de passer devant un tribunal., mais elles sont aussi très nombreuses. Vous pourrez donc vous retrouver dans ce fichier de police pour avoir vendu une Tour Eiffel à la sauvette, pour avoir du cannabis sur vous, pour le dépôt d’ordures3Notons à ce propos que la police sanctionne l’affichage militant sauvage par une amende pour dépôt d’ordures sauvage., pour avoir participé à une manifestation interdite sur la voie publique, ou encore, depuis fin octobre, pour ne pas avoir respecté les obligations de confinement. Et cette liste est très loin d’être exhaustive : nous avons relevé dix délits et une trentaine de contraventions qui, seulement parce qu’ils et elles font l’objet du paiement d’une amende, vous inscrira dans un énième fichier de police. Et ce pour une période relativement longue.
À travers ce fichier, c’est encore une fois l’impunité policière qui doit être dénoncée. Le gouvernement fait fi des règles d’un l’État de droit pour arriver à ses fins : mettre les gens sous surveillance, les envoyer en prison et réprimer toujours plus durement. Il est pourtant établi qu’un fichage policier conduit toujours à des abus — le TAJ ou les drones ne sont que deux exemples dans un océan d’arbitraire.
References
↑1 | Le non-respect des règles de confinement, aujourd’hui encore, vous expose à une amende de 135€, mais la récidive peut en effet vous conduire en prison. |
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↑2 | C’est justement parce que ces infractions sont « peu graves » que l’on peut décider de de payer une amende forfaitaire au lieu de passer devant un tribunal. |
↑3 | Notons à ce propos que la police sanctionne l’affichage militant sauvage par une amende pour dépôt d’ordures sauvage. |