La Quadrature du Net s’inquiète de la censure par le Studio national d’arts contemporains Le Fresnoy, à Tourcoing, de l’artiste Paolo Cirio, suite à une intervention du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, et de syndicats de policiers, qui demandait dans un tweet la déprogrammation de son exposition « Capture », au motif que celle-ci serait une « mise au pilori » des policiers. En France, l’expression est libre, et le fait que l’art questionne de manière tout à fait légale l’arrivée de la reconnaissance faciale dans la société européenne ne devrait en aucun cas devenir une raison de censurer une telle exposition.
Le 1er octobre, Paolo Cirio, artiste contemporain, lançait un site web, capture-police.com pour annoncer une une exposition au Fresnoy à partir du 15 octobre, portant sur l’importance du débat européen sur la reconnaissance faciale. « L’exposition Capture est constituée de visages d’officiers de police français. L’artiste a collecté 1000 images publiques de policiers prises durant des manifestations en France. Capture commente l’usage et le mésusage potentiel de technologies d’intelligence artificielle et de reconnaissance faciale en questionnant les jeux d’asymétrie du pouvoir. Le manque de règles de respect de la vie privée de ce type de technologie finit par se retourner contre les mêmes autorités qui invitaient à son utilisation » L’exposition ainsi que le site web sont donc tout à fait licites de notre point de vue, la zone de saisie d’un nom sous chacun image de policier étant en réalité inactive, et ne collectant donc aucune données. L’exposition pose pourtant de manière originale et forte la question de l’arrivée de technologies de reconnaissance faciale dans la société.
Le même jour, le ministre de l’intérieur s’offusquait publiquement et menaçait l’artiste de poursuites. Le lendemain, le syndicat de police Synergie publiait une lettre du studio d’arts contemporain Le Fresnoy annonçant l’annulation de l’exposition, annulation dont l’artiste n’était à cette heure pas encore prévenu ! La pression à la fois du ministre de l’intérieur et d’un syndicat de police sur une exposition d’art contemporain démontre l’asymétrie des pouvoirs que l’exposition comptait précisément mettre en lumière : le gouvernement ne défend la vie privée que de la police, tandis que cette même police a déjà enregistré la photo de 8 millions de personnes dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires (voir notre analyse) et se permet d’analyser illégalement ces images par reconnaissance faciale (nous avons contesté ce pouvoir en justice).
« Nous demandons depuis longtemps l’interdiction des technologies de reconnaissance faciale dans l’espace public tant au niveau du droit français que du droit européen. Gérald Darmanin montre à nouveau ses ambitions autoritaires et son mépris des principes démocratiques, faisant pression sur un artiste, qui ne souhaitait qu’apporter dans l’espace public un débat légitime : faut-il autoriser des technologies liberticides dans l’espace public ? » réagit Benjamin Sonntag, membre de la Quadrature du Net.