Le Parlement européen s’opposera-t-il à la censure sécuritaire ?

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Le 12 décembre, le Parlement européen votera le « rapport sur les observations et les recommandations de la commission spéciale sur le terrorisme ». S’il est adopté, ce texte, sans avoir l’effet d’une loi, recommandera l’adoption de mesures prévues dans le règlement de censure antiterroriste : la sous-traitance de la censure aux géants de l’Internet et le contournement des juges nationaux (lire notre dernière analyse).

La Quadrature du Net envoie aux députés du Parlement européen le message suivant, leur demandant de voter le rejet de ce rapport :

Chers députés du Parlement européen,

Le mercredi 12 décembre prochain, vous voterez le « rapport sur les observations et les recommandations de la commission spéciale sur le terrorisme ».

Ces recommandations prônent des mesures sécuritaires absurdes qui porteraient atteinte aux libertés fondamentales. De manière plus précise, ce rapport prône l’adoption des mêmes mesures que celles prévues dans le règlement de censure antiterroriste, qui sera débattu dans quelques semaines au Parlement : la remise en cause du chiffrement de bout en bout, la délégation de la censure aux géants de l’Internet et le pouvoir donné aux polices européennes de contourner les juges nationaux (points BD, BH, 47, 113 et 125). Pour l’ensemble de ces raisons, nous vous demandons de voter le rejet de ce rapport.

Utilisant le prétexte de la lutte contre la radicalisation en ligne, ces mesures suggérées par le rapport et inscrites dans le règlement de censure antiterroriste imposeront de nouvelles obligations à l’ensemble des acteurs de l’Internet : hébergeurs de site, de blog et de vidéo, forum et réseaux sociaux, sites de presse, fournisseurs de mail et de messagerie, etc.

Alors que la Commission européenne et les gouvernements européens ne démontrent de façon étayée ni l’efficacité ni la nécessité de ces obligations pour lutter contre le terrorisme, vous souhaitez imposer aux acteurs d’Internet d’agir sur des contenus dont la dangerosité n’aura été évaluée par aucun juge et ce dans des délais extrêmement courts.

Ces obligations sont porteuses de graves dangers pour l’ensemble de l’écosystème numérique européen. En effet, les moyens économiques, humains et techniques requis pour exécuter les obligations envisagées sont tout simplement hors de portée de la quasi-totalité des acteurs : très peu sont ceux qui seront en mesure de répondre 24h/24h, 7j/7 et en moins d’une heure aux demandes de retrait de contenu provenant de n’importe quelle autorité d’un État membre de l’Union. De la même manière, les mesures de surveillance et de censure automatisées que les autorités nationales pourraient imposer en vertu du texte seront totalement impraticables.

Ainsi, pour se plier à ces nouvelles contraintes, les acteurs économiques de petites et moyennes tailles ne pourront que sous-traiter l’exécution des demandes de retrait et la censure automatisée aux quelques grandes entreprises qui, en raison de leur puissance financière, seront capables de les prendre en charge, Google et Facebook en tête, cette sous-traitance étant porteuse d’une dépendance économique et technique gravement préjudiciable à l’économie numérique européenne.

Quant aux acteurs associatifs et collaboratifs à but non lucratif, ils n’auront d’autres choix que de cesser leurs activités.

Ce règlement appauvrira donc radicalement la diversité numérique européenne et soumettra ce qu’il en reste à une poignée d’entreprises qui sont déjà en situation de quasi-monopole et dont il faudrait au contraire remettre en cause l’hégémonie (lire notre dernière analyse).

Enfin, ce règlement conduirait à une surveillance généralisée de nos échanges en ligne et une censure privée et automatisée de l’information.

Pour l’ensemble de ces raisons, La Quadrature du Net, avec 58 autres acteurs de cet écosystème et défenseurs des libertés fondamentales, avons déjà demandé à Emmanuel Macron de renoncer à son projet de règlement de censure antiterroriste.

Nous vous demandons donc de rejeter ce rapport pour mettre dès maintenant un frein à cette volonté absurde de déléguer la censure de l’Internet aux géants du Web et de permettre à toutes les polices de l’Union européenne de contourner les juges nationaux.

Les parlementaires qui refuseront de protéger les libertés fondamentales et l’écosystème numérique européen seront affichés publiquement.