[FranceCulture] Plaidoyer pour les libertés de Me Sureau, La Grande Table

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Interview de maître François Sureau, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, par Olivia Gesbert dans l’émission La Grande Table diffusée sur France Culture le jeudi 31 août 2017.

Libertés / sécurité : pourquoi nous ne devrions pas avoir à choisir ? Dans son avant-propos, François Sureau écrit : « Notre système des droits n’a pas été fait seulement pour les temps calmes, mais pour tous les temps. » Voilà pour l’idée directrice de cette réflexion.

https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/plaidoyer-pour-les-libertes-de-me-sureau


Citation : « Après vingt ans, d’une expérience où je crois n’avoir refusé aucun des drames de l’époque, j’en suis venu à cette idée que la liberté était le plus haut et le plus sûr des biens. Non pas parce que cette valeur suffisait à créer les sociétés mais parce qu’elle permettait de les améliorer. Tandis que j’ai toujours pensé que la tyrannie ne le permettait pas. »

Olivia Gesbert : En ouverture de la semaine des ambassadeurs, Emmanuel Macron a rappelé que la priorité de la France en matière de politique étrangère restait la lutte contre le terrorisme. Oui, mais comment ? Et surtout, quelle résonance à l’intérieur de nos frontières.

Dans l’actualité des idées aujourd’hui, liberté / sécurité, pourquoi nous ne devrions pas avoir à choisir. Invité François Sureau, avocat au Conseil d’État et à la cour de cassation, représentant de la Ligue des droits de l’Homme, également écrivain, essayiste, vous publiez aujourd’hui « Pour la liberté », chez Tallandier, avec un avant-propos où vous ne négociez pas, ni avec le sens des mots, ni avec celui du droit : « notre système de droit n’a pas été fait seulement pour les temps calmes, mais pour tous les temps ». Voilà pour l’idée directrice de cette réflexion des grands principes aux cas pratiques, et il vous a fallu convaincre votre auditoire de l’importance de répondre au terrorisme sans perdre la raison, sous-titre de votre essai, qui rassemble trois plaidoiries, que vous avez prononcées devant le Conseil Constitutionnel, en défense des libertés publiques. Trois montées à la barre entre janvier et mai de cette année pour dénoncer la non-conformité à la constitution de disposition législatives contenues dans l’état d’urgence, et par certains aspects, écrivez-vous, nous serions selon vous, dans un univers pré-totalitaire. Bonjour à vous François Sureau.

Maître François Sureau : Bonjour,

OG : Merci d’être avec nous. Trois questions de droit dont on tirera ensuite quelques grands principes et peut être aussi quelques matières à discussion si vous le voulez bien. La première, pour nos auditeurs : une incrimination de consultation habituelle de site terroristes, quel axe de défense avez-vous eu sur cette question ?

FS : Alors il y a trois questions, j’vais essayer de les présenter en termes débarrassés de la technicité constitutionnelle. Dans l’état d’urgence, il y avait cette idée que si vous alliez (n’importe qui : vous, moi, un journaliste, un chercheur, n’importe quel citoyen), sur un site de type Djihad.com (enfin, qui n’existe pas, mais j’imagine qu’il pourrait exister) et bien vous étiez susceptibles de faire l’objet d’une poursuite pénale. Et ceci est une rupture pratiquement, avec, je ne dis même pas « les droits de l’Homme » tels qu’ils existent depuis la déclaration des droits, c’est une rupture avec une tradition antérieure dans le droit français, y compris dans le droit criminel français, l’Inquisition mise à part, qui consiste à dire qu’on ne peut pas être jugé à raison d’un acte purement cognitif, c’est à dire d’une démarche où le citoyen, où le journaliste, vise à s’informer. D’ailleurs, à l’issue de cette plaidoirie, et très franchement ce n’est pas parce que je les ai convaincus, je pense que les neufs juges du Conseil Constitutionnel en étaient aussi convaincus que moi car l’exercice de la plaidoirie, dans ce cadre là, ça ne sert pas à faire changer un juge d’avis, ça sert simplement à faire venir au jour ce qu’il y a d’essentiel derrière cette question, et évidemment les neufs juges du Conseil Constitutionnel ont déclaré qu’on ne pouvait pas interdire à quelqu’un d’aller consulter un site même s’il y avait des horreurs sur le site. L’un des exemples que je donne c’est : c’est évident qu’on aurait mieux fait de lire Mein Kampf avant la guerre pour savoir ce qui nous était réservé, c’est évident qu’on gagne toujours à (et c’était d’ailleurs la leçon d’Orwell dont on parlait tout à l’heure, c’est également ce que disait Simon Leys), on gagne toujours à en revenir au fait (c’est également ce qui disait Arthur Koestler) l’idée c’est bien, mais il faut aller s’informer, puiser les faits à leurs sources, voir ce que sont les djihadistes pour ce qu’ils sont, et la seule manière de le faire, c’est effectivement d’aller consulter des sites. Au delà, il y a une question de principe qui est fondamentale, c’est que quand vous avez autorisé l’État une fois à vous dire ce que vous pouvez aller lire ou voir, c’est fini pour toujours. C’est à dire qu’aujourd’hui, on vous dit : c’est pas bien d’aller sur les sites djihadistes, demain, une fois que ce verrou aura sauté, vous aurez des gens qui vous diront que c’est pas du tout bien d’aller sur des sites qui pensent que le capitaine Dreyfus était innocent par exemple, ou sur des sites qui critiqueraient le Front National. Et une fois que le premier verrou a sauté, vous n’avez plus aucune raison de principe pour vous opposer aux verrous ultérieurs. Je pense que c’est aussi ça quand le Conseil Constitutionnel a suivi.

OG : Donc en défense d’une certaine liberté intellectuelle, liberté d’aller lire ce que l’on veut, et de se faire un jugement par rapport à cela, en tout cas ce n’est pas en amont que l’on peut juger d’intention de, le fait d’aller lire, tant qu’il n’y a pas d’acte répréhensible, ce qui nous amène peut-être, au second cas pratique, à la seconde question de droit.

MS : Attendez, avant la seconde question, j’voudrais pouvoir revenir à la première. Est-ce que vous vous entendez parler ? Est-ce que vous vous rendez-compte que vous trouvez qu’il existe un objet normal de débat, qui est le point de savoir si un citoyen libre peut lire ce qu’il veut. Vous le posez volontairement à des fins pédagogiques, critiques et de discussion, mais ça a fini par faire partie de notre espace de pensée. Il a fallu arriver jusqu’au Conseil Constitutionnel pour que neuf juges viennent dire : « Il est inadmissible qu’on empêche les français de lire ce qu’ils veulent et de s’informer sur ce qu’ils veulent. » Est-ce que vous vous rendez-compte que le simple fait que ceci soit devenu un objet de débat, manifeste un point de dégradation civique probablement jamais atteint. On se pose la question. Est-ce que vous trouvez normal de me poser la question de savoir, par exemple, s’il ne faut pas revenir à une monarchie élective, ou si le catholicisme ne doit pas redevenir religion d’état ; vous trouveriez ça ahurissant. Et pourtant, vous venez de poser dans le débat une question que vous considérez comme normale, qui est la question que tout le monde se pose, que les politiques se posent, qui est : pour lutter contre le terrorisme, ne convient-il pas de supprimer la liberté d’information ? Le simple fait que cette question soit posée, qu’elle n’ait rencontré aucun obstacle sur son chemin, ni au gouvernement (qui était à l’époque un gouvernement de gauche, mais sur ces questions, la gauche et la droite c’est absolument pareil), ni au parlement, ni nulle part, jusqu’à la fin…

Henri Le Blanc : comment vous l’expliquez ça, parce que c’est ça finalement le plus surprenant, comme vous le dites.

FS : Je l’explique, et c’est à mon avis le nœud du problème, je l’explique pour deux raisons — par deux ou trois raisons — qui sont des raisons successives. La première raison, c’est que la question des libertés publiques n’est pas soluble dans le terrorisme : le recul des libertés publiques a commencé avant. Quand, à l’époque du président Sarkozy, on a créé la rétention de sûreté pour permettre de conserver en prison des gens après l’expiration de leur peine, on s’est déjà totalement assis sur les principes fondamentaux du droit pénal. En réalité, dans une société vieillissante et incertaine, le désir de sécurité emporte tout, et il emportait tout avant déjà le terrorisme. Le recul des libertés publiques en France ne date pas du terrorisme. Le deuxième élément, c’est le manque d’autonomie intellectuelle des ministres. C’est très frappant, je relisais l’autre jour les délibérations du Conseil Constitutionnel en 1977. Roger Frey est président. Roger Frey était un ancien ministre de l’intérieur du général De Gaulle, si je me souviens bien, et un type qui ne passe pas pour un humaniste bêlant, j’veux dire : Roger Frey c’est pas précisément Henry Leclerc ; bon, eh bien Roger Frey parle au Conseil Constitutionnel, ils examinent la loi sur les véhicules, et il dit aux membres du Conseil Constitutionnel :

– « Vous savez, j’ai été ministre de l’intérieur, il y a dans le Conseil Constitutionnel deux autres ministres de l’intérieur, il y a une chose que nous savons tous, c’est que à chaque fois qu’un nouveau ministre de l’intérieur arrive, il se trouve des gens dans les bureaux pour expliquer que ça irait quand même bien mieux si on supprimait les libertés, et nous autres, qui avons été ministres de l’intérieur nous savons qu’il ne faut pas les écouter. »

Et ça, ce qui est frappant, c’est qu’un type comme Roger Frey pouvait s’y opposer. Ce que j’ai observé dans les vingt dernières années, c’est la réduction du délai utile de prise en main des ministres de l’intérieur successifs et des gouvernements auxquels ils appartiennent, par la fonction publique, la police et le corps préfectoral. Il a fallu une semaine à Nicolas Sarkozy pour être pris en main par la police, quatre jours à Hortefeux, trois jours à Manuel Valls, deux jours à Caseneuve, 48h à Collomb. Quand j’étais jeune, c’était globalement le ministre de l’intérieur qui gouvernait les préfets, maintenant c’est le préfet qui gouverne les ministres de l’intérieur. La deuxième raison, c’est l’affaiblissement de l’autonomie intellectuelle du personnel politique. Et puis la troisième raison, c’est une raison purement, démagogique, face à la crainte provoquée par ces attentats abjects, c’est l’idée de présenter une réponse. Or en France, qui est un pays où globalement on ne sait plus réorganiser la police ou lui donner les moyens pratiques de son action, on préfère faire ce qu’on fait ailleurs : de la politique normative. C’est quand même beaucoup plus simple d’aller bidouiller quatre articles de loi qui s’asseyent sur la Déclaration, plutôt que d’expliquer qu’on va réformer la police nationale. Voilà les trois raisons et ces raisons sont affligeantes.

OG : Merci pour cette première plaidoirie Maître. Si vous le permettez, je vais quand même revenir sur les trois cas que vous avez eu à plaider ou à défendre.

FS : Non mais parce que les deux autres sont tout aussi délirants hein…

OG : c’est juste pour donner, à ceux qui n’ont pas encore lu votre livre, et qui peut être auront envie d’aller plus loin, quand même l’idée des thématiques sur lesquelles vous avez dû vous engager et monter au créneau. Donc la première : une incrimination de consultation habituelle de sites terroristes, avec cet axe de défense qui serait pour vous la liberté de penser ; la seconde sur le délit d’entreprise individuelle et terroriste, avec cet axe de défense qui serait pour vous : ce n’est pas l’intention qui compte (on pourrait résumer ça quelque part comme ça) ; la troisième enfin : des interdictions de séjour à la discrétion du préfet dans un périmètre donné à toute personne cherchant à entraver l’action des pouvoirs publics, et là quel était le problème ?

FS : Le deuxième c’est assez simple, ça veut dire que globalement l’autorité de poursuite, dès lors que vous avez chez vous (et c’est un cas pratique que je cite), dès lors que vous avez chez vous deux bouteilles d’eau d’Évian cachetées avec du scotch tape, que vous avez laissé trois posts sur des sites malencontreux expliquant qu’il fallait « bousiller les mécréants », eh bah on peut vous fourrer au ballon. C’est à dire l’idée qu’avant tout commencement de passage à l’acte, la simple expression d’une opinion jointe à la détention chez vous d’objets dangereux (et par objet dangereux, ça pouvait être la bouteille d’eau d’Évian, c’était le cas) eh bien ça permettait de vous envoyer en garde à vue ou en détention préventive. Alors ça, c’est très intéressant parce que c’est la fin d’un principe qui a pratiquement mille ans dans notre droit criminel, mille ans hein, il ne s’agit plus de la déclaration des droits de l’Homme, c’est l’idée qu’avant l’acte criminel, il n’y a rien. Il faut qu’il y ait un commencement de passage à l’acte, il faut qu’il y ait un commencement d’exécution. Alors vous me direz, bah c’est ce que tout le monde dit : mais enfin quand même, ces types c’est des affreux, si on peut les gauler avant, tant mieux. Oui, sauf que ce texte ne s’applique pas qu’aux affreux. Dans la répression des lois anarchistes à la fin du siècle, les textes visaient expressément les anarchistes, c’est pas brillant mais au moins on sait qui c’est. Non, par une espèce d’hypocrisie où le néo-totalitarisme se mêle au politiquement correct, on ne vous dit jamais dans le texte qu’il s’agit de rechercher des terroristes islamistes, donc on fait un texte général, susceptible de s’appliquer absolument partout.

HLB : Donc il faudrait le préciser selon vous ?

MS : En tout cas il faudrait le préciser d’une manière suffisante, par exemple l’adhésion à une idéologie de telle nature (de nature religieuse, qui, que, etc., etc.) c’est comme pour les assignations à résidence, qui éviteraient de laisser penser que pour la totalité des citoyens français, on a ruiné la théorie classique selon laquelle on n’est pas criminel avant d’avoir essayé d’être criminel. Et puis le troisième élément est encore pire, c’est la possibilité donnée au préfet d’assigner à résidence (ça veut dire : vous restez chez vous) à toute personne susceptible d’entraver l’action des pouvoirs publics. Là c’est le surréalisme le plus absolu, car en réalité, ça vous permet d’assigner à résidence la totalité des journalistes critiques, la moitié du personnel politique d’opposition, toute personne -y compris les juges- qui remettrait en question…

HLB : Mais par atteinte à l’action des pouvoir publics vous dites… (je ne comprends pas bien là)

MS : Le texte dit : Le préfet peut assigner à résidence toute personne cherchant à entraver l’action des pouvoirs publics. C’est une notion éminemment subjective.

OG : Entraver matériellement, a priori.

MS : Ah mais pas du tout, le texte ne dit pas « entraver matériellement », on est dans le droit pénal, le texte dit : entraver l’action des pouvoirs publics.

HLB : Donc ça peut aller jusqu’à quelle situation vous dites ?

FS : Entraver l’action des pouvoirs publics, je vous cite deux exemples dans lesquels ça a été fait :

  • cherchent à entraver l’action des pouvoirs publics des supporters de l’équipe de foot de Bastia qui s’apprêtent à péter le stade de football, et on les assigne à résidence, le lien avec le terrorisme islamiste est quand même assez faible ;
  • et le deuxième, c’est les écologistes qui manifestaient contre la COP21, et qui cherchaient à entraver l’action des pouvoirs publics.

Demain, les gens qui cherchent à entraver l’action des pouvoirs publics en manifestant contre la loi travail, pourraient être tous assignés à résidence dans le douzième arrondissement de Paris, ou dans l’arrondissement du choix du préfet. Ceci objectivement, montre une perte de sang froid collective, qui est extrêmement inquiétante. À la fois une perte de sang froid et une prise en main de la machine répressive, et de la machine gouvernementale… par des corps administratifs particuliers.

OG : et ça montre aussi, ça montre aussi François Sureau qu’il faut quand même s’interroger sur la réponse qui peut être donnée au terrorisme aujourd’hui. Or en se limitant, et c’est le cas dans le deuxième et le troisième point que vous évoquez, au passage à l’acte, on condamne toute possibilité pour les pouvoir publics d’élargir le champ de la prévention, c’est quand même étonnant que cette prévention on la mette en avant dans tous les domaines (la santé, l’environnement), et pas pour le terrorisme. Donc il faut toujours attendre que l’acte ait lieu, que l’attentat ait lieu pour pouvoir faire quelque chose.

FS : Ah oui, c’est ce qu’on a voulu faire au dix-huitième siècle, sans ça y’a une autre solution, c’est comme ça que Mussolini a démantelé la mafia, c’est comme ça que Staline a réduit le taux de criminalité à l’intérieur de Moscou à partir de 1930. C’est sûr que si à chaque fois qu’un sous préfet ou un agent de police délégué par lui peut vous juger un tout petit peu inquiétant on pourrait effectivement vous fourrer au ballon à titre préventif. Notre système, et je le dis parce que je suis extrêmement convaincu de la gravité des actes terroristes (parmi les gens qui défendent les libertés publiques, vous en avez certains qui minorent la gravité de ces actes, voire qui leur trouvent des excuses, ça n’est pas du tout mon cas, je trouve ces actes absolument abominables) ce que je pense profondément c’est que ces actes ne peuvent être efficacement combattus que si nous ne cédons rien des raisons au nom desquelles nous les combattons. Si nous ne cédons rien, sur nos principes, alors le reste est une question d’application pratique. La détection, je vous donne un exemple… pour répondre à ce que vous disiez…

OG : Y’a une différence entre ne rien céder et ne rien changer. Ne pas s’adapter. Ne pas adapter notamment notre arsenal judiciaire et législatif à l’époque et aux menaces d’aujourd’hui.

FS : Notre arsenal judiciaire est tout à fait suffisant. Le principe de base de notre arsenal judiciaire, c’est que si quelqu’un s’apprête à commettre un attentat et qu’il y a suffisamment de preuves vous allez trouver un juge anti-terroriste et vous lui demandez un mandat. On a jamais vu un juge anti-terroriste refuser un mandat.

HLB : Oui eh bien reprenons l’histoire de la bouteille d’Évian par exemple, comment savoir si la bouteille d’Évian est véritablement un explosif ou pas. Ça peut être difficile, pourquoi ne pas s’y prendre un peu en amont malgré tout.

FS : Eh bien, si vous pensez que parce qu’il a fait quatre posts inquiétants sur un site particulier, et qu’il a chez lui un couteau, des armes à feux, etc., ou que vous le pensez en général sur dénonciation des voisins, et bien le droit existant (ce n’est pas la peine de l’adapter), vous offre toutes les possibilités d’aller voir un juge, de mettre le monsieur sur écoute, par décision d’un juge, et ensuite d’aller trouver le même juge en lui demandant un mandat de perquisition pour voir s’il y a un risque de passage à l’acte. Ce qui est inadmissible dans cette affaire c’est que ce soit lié à la décision d’un préfet, contrôlé par personne. Notre droit a été fait pour ça. À qui fera-t-on croire que les déclarants de 89 vivaient dans un monde tranquille. À l’époque où les déclarants de 89 écrivaient, on ne pouvait pas traverser la forêt de Bondy sans escorte armée. Les gens qui ont créé notre système de droit l’on fait en pensant que quelque soit la gravité des atteintes portées à l’ordre public, il y avait un certain nombre de principes auxquels on ne pouvait pas toucher, sauf à sombrer dans quelque chose qui n’était pas la démocratie des droits, et nous en sommes exactement là.

OG : Sur la consultation habituelle des sites terroristes, le premier cas que vous avez eu à plaider, quelle différence pour vous par exemple dans le fait que puisse être répréhensible aujourd’hui la production de contenus pédo-pornographiques et la consultation de ces sites, et la même chose pour des sites terroristes.

FS : Alors il y a deux choses totalement différentes, c’est que la production et la diffusion de contenus pedo-pornographiques en réalité porte atteinte à des personnes réelles, à savoir les personnes des enfants qui sont utilisés pour produire les images, et pour être représentés dans ces images, ce qui permet d’incriminer les auteurs sur le terrain de la complicité, et ça me parait parfaitement justifié. La simple consultation est une consultation cognitive, qui n’implique pas d’adhésion positive à un réseau de trafic particulier. Au surplus d’ailleurs, je dois vous dire, au risque de vous faire bondir, que j’ai des doutes et j’ai toujours eu des doutes, mais qui n’engagent que moi, y compris en matière de pédo-pornographie, sur le lien ténu qui existe entre la simple consultation et l’exploitation des enfants, voilà.

HLB : Ça signifie quoi ce que vous dites là à l’instant ?

FS : Ça veut dire que globalement, regarder des images, même blâmables pour en tirer une satisfaction sexuelle…

OG : N’entraine pas forcément de passage à l’acte…

FS : Pour moi, ne correspond pas à un passage à l’acte réel au sens des grands principes de droit pénal.

OG : Et vous diriez pareil pour la consultation de sites terroristes ?

FS : Je dit naturellement pareil pour les sites terroristes, je veux pouvoir, en tant que citoyen libre, continuer de regarder (ce que je fais de temps en temps pour m’informer) les grands sites djihadistes connus, c’est quand même très utile de savoir ce que ces gens pensent.

HLB : Alors je voudrais revenir sur cette phrase que vous avez dites : « avant l’acte, il n’y a rien ». Mais l’acte, où commence-t-il, et où s’termine-t-il ? Est-ce que, justement, le débat ne peut pas avoir lieu, de savoir si les préparatifs d’un acte ne sont pas déjà l’acte, et cette frontière, que vous l’air de présenter comme absolument évidente, n’est-elle pas quand même floue ?

FS : Vous avez raison et il y a une réponse à ça, c’est qu’on ne peut pas l’apprécier de manière générale, parce que ça dépend beaucoup des circonstances, et de temps, et de lieu et d’espèce, et du pedigree de la personne qu’on soupçonne de vouloir passer à l’acte et ainsi de suite, et c’est la raison pour laquelle, nos constituants, et la totalité de la tradition juridique française ont remis cette appréciation entre les mains d’une personnalité indépendante du gouvernement, et qu’on appelle : un juge. La caractéristique des lois d’exception, c’est qu’en réalité on se passe de la personnalité indépendante du gouvernement, et qu’on prend un fonctionnaire aux ordres. Le fonctionnaire aux ordres, eh bien il peut penser que vous là, êtes susceptibles de passer à l’acte, et il peut le penser simplement parce que son ministre lui aura donné l’ordre de le penser. C’est précisément la caractéristique d’une société non démocratique. C’est la raison pour laquelle le rôle de l’institution judiciaire, dont la constitution nous dit quelle est gardienne des libertés publiques, est un rôle absolument fondamental. Je vous rappellerai d’ailleurs sur le plan archéologique quand même quelque chose d’intéressant, c’est que cette disposition de constitution qui prévoit que l’autorité judiciaire est la gardienne des libertés publiques c’est exactement pour ça, il faut que cette appréciation à laquelle vous pensiez soit faite par un juge indépendant. Cette disposition a été écrite par Michel Debré, qui lui non plus n’était pas plus que Roger Frey un humaniste bêlant, et a été introduite par Michel Debré dans la constitution de 58, au moment de la guerre d’Algérie, où entre les attentats du FLN, les attentats de l’OAS et les morts au combats, il y avait peut être, et certainement même, plusieurs morts par jours. Ça ne l’a pas amené à dévier de cette idée fondamentale, que dès lors qu’il s’agit de porter atteinte à la liberté individuelle, ça ne peut être fait que par un juge indépendant.
C’est quand même pas compliqué à faire. Le juge indépendant n’est pas lui non plus un humaniste bêlant. Vous avez déjà rencontré des magistrats anti-terroristes, ce ne sont pas des gens qui pensent qu’il faut se montrer mou sur la répression. La clé de notre liberté, c’est qu’un juge indépendant doit décider.

OG : François Sureau est notre invité pour « Pour la liberté » édité chez Tallandier. Il est 13h15 sur France Culture.

[Intermède musical]

OG : À travers ces trois points de droit, ces trois plaidoiries François Sureau vous portez une interrogation sur l’état de notre démocratie et surtout sur celui de nos libertés et de nos libertés publiques. Et si nous traversions tous une crise de principes, c’est une autre dimension qui vous inquiète, c’est cette anesthésie, voire cette indifférence à la privation progressive de nos libertés et de citer Simone Veil à l’appuie : « L’esclavage avilit l’Homme jusqu’à s’en faire aimer. La vérité, c’est que la liberté n’est précieuse qu’aux yeux de ceux qui la possèdent effectivement. »

Avec nous Frederika Amalia Finkelstein qui était restée avec nous, invitée de la première partie de l’émission pour son roman « Survivre » édité chez l’arpenteur où vous vous interrogez sur les conséquences, sur ce traumatisme des attentats, notamment du Bataclan, en novembre 2015, sur cette vie d’après, comment vivre avec toute cette violence, et surtout survivre à cette violence, et vous écrivez : « nous voulons être libres, parfois pour le meilleur et parfois pour le pire ».

Est-ce que vous seriez prête, vous, à accepter un compromis sur la question des libertés, est-ce que ça a été une des réactions premières que vous avez sentie vous-même, aussi la génération que vous racontez dans ce roman, à rogner un peu sur les libertés pour plus de sécurité, comme on dit aujourd’hui.

Frederika Amalia Finkelstein : En vérité, j’ai déjà l’impression que le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui qui est quand même dominé par le règne du virtuel est déjà une privation de liberté. Donc quand il y a eu des décisions politiques au moment des attentats, par exemple l’état d’urgence, cela ne m’a pas vraiment choquée. J’ai déjà l’impression d’être dans un état d’urgence, et j’ai déjà l’impression qu’en étant née dans ce monde où la technologie est notre quotidien, qu’il y a déjà une privation énorme de liberté.

HLB : Peut être qu’on peut dire pourquoi ?

FF : Parce que tout le monde devient son propre geôlier en quelque sorte. Il y a différent paramètres mais savoir par exemple que quand vous vous connectez ça va rester dans une banque de données, que vos moindres faits et geste sont archivés, c’est pour moi une énorme privation de liberté.

OG : François Sureau, un corps social endolori et quelque part endormi…

FS : J’suis d’accord avec ça. Y’a un élément qu’on oublie quand même assez souvent, mais c’est vrai que j’y suis sensible professionnellement, c’est quand on parle du couple « sécurité et liberté », d’abord on fait comme si c’était antinomique, alors que le rêve de notre démocratique politique c’est que les deux vont ensemble, la liberté et la sûreté, c’est le rêve de notre démocratie politique. On peut choisir d’y renoncer parce que 300 criminels font sauter une boîte de nuit, on peut choisir de renoncer au rêve de notre démocratie politique, celui qui nous anime, mais j’aimerais qu’on le sache et qu’on ne se paye pas de nous. Le deuxième élément c’est : y’a un tiers dans ces affaires, entre les individus (le corps social), et les terroristes (et c’est sans cesse oublié par les français), c’est l’état. En réalité, quand on augmente la partie « sécurité », ce qu’on augmente simplement c’est le pouvoir de l’État sur chacune de nos vies, à nous qui ne sommes pas des terroristes, ça n’est pas nécessairement qu’on diminue la sécurité dont les terroristes jouissent. Et c’est très très frappant parce que cette question de l’État comme tiers entre la liberté et la sécurité, c’est une question qui a été très bien vue par les révolutionnaires anglais de 1689, elle a été très vue par les déclarants américains (Jefferson et Hamilton), elle était très bien vue par les rédacteurs de la déclaration des Droits, et compte-tenu de la place symbolique très importante prise par l’État dans le système politique français, elle a fini par être légèrement oubliée. La vérité de tout cela c’est, encore plus à l’époque de l’interconnexion des fichiers, à l’époque du numérique et ainsi de suite, toute augmentation des prérogatives sécuritaires des pouvoirs publics aboutit simplement à la mise en place d’une société de surveillance par l’État, et je trouve qu’il est quand même un tout petit peu temps de s’en rendre compte.

HLB : Justement, on peut, peut être associer ces deux discours parce que là, effectivement on va pouvoir peut être grâce au développement du virtuel et de la connaissance des actes de chacun, précisément avoir une idée de ce qui est potentiellement réalisable par certains… on en arrive à Minority report et c’est sans doute quelque chose qui est aussi une question de technique et de technologie… pas une question politique.

FS : Exactement. Oui, c’est une question de technologie, bien sûr. Cela dit, je trouve qu’on a quand même intérêt, y compris dans ces hypothèses là, à rester ferme sur les principes. De même, c’est vrai que c’est très gênant, que mes habitudes de consommation soient repérées par la Société Générale, et soit transmise par la Société Générale à…

HLB : Si vous achetez trop de bonbonnes de gaz par exemple…

FS : Voilà… non mais ou même transmises en dehors de la sphère étatique, c’est vrai que ça me gêne. Après tout je pourrais envisager à ce moment là une sorte de rétractation individuelle qui ferait que je consommerais moins de Facebook, de fichiers, de Google, de machins, dans le souci de me préserver à l’égard d’acteurs privés. En revanche, une fois que vous avez consenti à l’État lui-même la possibilité de rentrer chez vous la nuit, c’est tout à fait autre chose. La lecture des comptes-rendus des 6000 perquisitions administratives effectuées sous l’empire de l’état d’urgence à certains égards est absolument fascinante, hein y compris la porte du kebab fracassée, le malheureux qui a mis un portrait de Léonard De Vinci dans son entrée, auquel on dit : « Qui est ce barbu ? » ; c’est un tout petit peu autre chose que Facebook tout de même, à un moment.

OG : François Sureau, je vais aux sources de votre inquiétude, vous nous rappelez qu’il est beaucoup plus long de construire un État de droit, un système de droit, que de le détricoter. Et c’est sans compter que nos libertés ne seront pas comme la queue du lézard, elles ne repoussent pas, elles ne reviennent pas. Et vous dites il ne faut pas procurer à nos adversaires une victoire sans combat. Vu de Raqqa ce serait quoi par exemple cette victoire pour l’État Islamique ?

FS : Si vous voulez quand vous avez une certaine familiarité avec l’islamisme et sa propagande, vous vous rendez-compte que le discours islamiste est principalement fondé sur l’imposture des sociétés occidentales. Ce discours consiste par exemple à dire aux français de confession musulmane ou d’origine arabe de leur dire : au fond vous savez les français ne vous considèrent pas comme de vrais français, et tout ce qu’on vous raconte, c’est des blagues. En premier élément, cet élément de propagande se trouve justifié par des perquisitions administratives effectuées sans contrôle judiciaire, où sur 6000 perquisitions administratives vous n’aboutissez pas à 2 mises en examens, mais quand vous regardez les patronymes des gens qui font l’objet de ces perquisitions administratives vous vous rendez compte qu’il y a de quoi nourrir un soupçon sur le discernement des auteurs des perquisitions. Donc le premier élément c’est que ces violations de nos principes en réalité crédibilisent une partie du discours islamiste. Et puis ces violations crédibilisent aussi, et ça c’est beaucoup plus grave, la deuxième partie du discours islamiste, qui consiste à dire : au fond, les droits de l’Homme, c’est une religion de substitution, en Occident, et pire encore, c’est une religion de substitution à laquelle les gens ne croient même pas. La preuve, quand ça les atteint dans leurs intérêts, eh bien ils sont prêts à suspendre leur religion de substitution (les droits de l’Homme), alors que nous, il ne nous viendrait pas à l’idée de suspendre le Coran par exemple. Eh bien ça c’est une formidable victoire sans combat. C’est déjà suffisant de laisser aux terroristes les victimes, de leur abandonner les victimes qui sont faites, si en plus on leur abandonne nos principes par dessus le marché, non seulement les victimes sont, d’une certaine manière, mortes pour rien, mais nous avons tout perdu.

HLB : Il y a les trois cas dont vous parlez dans votre livre, mais il y a en a beaucoup d’autres de ces situations aujourd’hui, par exemple, d’atteinte aux libertés sur lesquelles il faudrait faire attention ?

FS : Oui, d’abord il va y avoir une loi à laquelle il va falloir se montrer particulièrement attentif sur la sortie du terrorisme, mais si vous voulez c’est moins des lois particulières qu’un état d’esprit, nous sommes, chacun d’entre nous, les gardiens de la démocratie politique. Et en réalité ce que montre l’expérience récente, c’est que nous ne pouvons pas attendre de nos gouvernements, de droite ou de gauche, de nos parlements, et même dans certains cas de la magistrature et en particulier de la magistrature répressive, qu’ils se montrent des gardiens aussi vigilants que nous. Et précisément parce que nous sommes rentrés dans le combat anti-terroriste, nous devons nous montrer particulièrement vigilants. Ça ne veut pas dire ne pas nous montrer particulièrement sévères, le droit français permet des peines d’une extrême sévérité, et permet tous les moyens d’investigation, mettons les en œuvre avec la plus grand rudesse, mais sans rien céder de ce qui nous constitue. Et cette idée là, elle devrait être vivante dans le cœur de chacun de nous. Vous savez ce qui me frappe, c’est que, moi je fais partie des gens qui sont nés en 57, comme tous les gens qui sont nés en 57 et qui, en fonction des histoires familiales des uns et des autres, se sont demandés comment les choses du passé avaient été possibles (hein, je ne suis pas un partisan du point heu du théorème de Machin, heu Godwin ou de la répression…) enfin, quand même, j’ai passé ma jeunesse à me demander comment ça avait été possible. Je me suis demandé, qu’à fait grand papa pendant la guerre, qu’à fait l’oncle machin et toi, pourquoi tu n’as rien dit au moment de, hein ?

OG : Vous avez pouvez regarder Frédérika Amalia Finkelstein au moment où vous dites ça car elle a aussi écrit son précédent, son premier roman qui s’intitulait l’Oubli, était justement sur cette question aussi, de la mémoire pour les jeunes générations, qui n’étaient pas nées en 1957.

FS : Et ça, si vous voulez on a tous été élevés la dedans. La découverte douloureuse, des dix dernières années que nous venons de vivre, ça a été de voir la facilité avec laquelle ces principes cédaient chez ceux qui avaient la charge de les défendre. Ceux qui avaient été mes maîtres, ceux qui avaient été mes éducateurs, ceux avait été ceux que j’admirais quand j’étais jeune, ceux qui avaient été premier ministre, ministre, président du parlement, président de la chambre criminelle, le vice-président du Conseil d’État, etc. En réalité, l’option policière est rentrée là dedans comme dans du beurre, ce qui fait que je n’ai plus, en réalité maintenant je n’ai plus de surprise attristée quand je lis les récits du passé et je dis simplement : voilà, c’est à nous de faire ce que nos anciens n’ont pas toujours fait, ceux que certains d’entre eux ont fait avec héroïsme d’ailleurs et ceux à quoi ma génération est confrontée maintenant.

OG : Terroriste potentiels, population à risque, musulman déguisé, stigmatisation dit le politologue François Burgat, dans une tribune récente dans Libération, condamnait cette ornière, l’ornière de la vieille stratégie politicienne qu’Emmanuel Macron viendrait à son tour de ré-installer selon lui, celle qui combat bruyamment le terrorisme d’une main et le nourrit discrètement de l’autre, celle qui préfère capitaliser sur l’émoi populaire en le berçant d’une lecture unilatérale des responsabilités sans jamais oser, même si cela est cruellement nécessaire de le contrecarrer. À votre manière aussi François Sureau vous proposez, incantez qu’on réagisse de manière raisonnable en expliquant que le bon curseur n’est pas facile à trouver mais qu’il doit y avoir un juste milieu. J’avais envie de vous demander, juste pour terminer, est-ce qu’il y a aussi, dans ces dernières semaines, mois, années des signes qui sont apparus pour vous que cette liberté que vous jugez menacée aujourd’hui, est redevenue désirable à nos yeux.

FS : Oui d’une certaine manière mais c’est une question d’interprétation, je trouve en réalité que le caractère relativement paisible du corps social tranche avec l’agitation démagogique de la classe politique. C’est à dire qu’à chaque fois que j’ai l’occasion d’en parler autour de moi, à des gens d’origine et d’opinion très variée, je suis frappé de voir que ce discours de la raison, en matière de lutte contre le terrorisme rencontre un assez large assentiment, et qu’en dehors de quelques franges extrêmes, personne n’est prêt à rouvrir le bagne de Cayenne ou à se livrer à des activités invraisemblables. En revanche, c’est la classe politique toute entière sur ces questions qui semble aller comme un canard auquel on a coupé la tête. Mais je tire un grand encouragement au spectacle de la résilience comme on dit maintenant, ou du sang froid d’un corps social affronter à des situations de quasi-guerre, auxquelles rien ne semblait l’avoir préparé.

OG : Merci beaucoup, François Sureau, Pour la liberté, répondre au terrorisme sans perdre la raison, voilà comme un canard sans tête, c’est édité donc chez Tallandier, merci beaucoup à vous, demain à votre place, Emmanuel Todd sera avec nous dans la deuxième partie de la Grande Table. Grande Table qui maintenant se referme et se rouvre immédiatement sur FranceCulture.fr où vous pouvez retrouver toutes les références en lien, avec l’émission et notamment les références sur votre livre Frédérika Amalia Finkelstein. Merci beaucoup, d’être restée avec nous jusque dans la deuxième partie de l’émission. Vous pouvez également vous abonner au podcast de la Grande Table, à la programmation/ préparation Claire Mayot, Chloé Leblond, Clémence Mary et Henri Leblanc, avec Julien Rosa à la réalisation, Peire Legras accompagnée de David Féderman. Une très belle après midi à tous sur France Culture.

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