Paris, le 13 mai 2016 — La Quadrature du Net était invitée cette semaine à participer à un atelier à l’ARCEP1L’ARCEP est l’autorité française de régulation des communications électroniques et des postes afin d’échanger sur les lignes directrices en cours d’élaboration par le BEREC2Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) (ou ORECE en français) et le nouveau cadre réglementaire concernant la neutralité du Net. Tout en soulignant l’effort d’ouverture de l’ARCEP, La Quadrature du Net regrette fortement que sur un sujet si crucial les négociations se déroulent dans une grande opacité, sans objectifs clairs et laissant la possibilité de contourner la neutralité du Net et, par conséquent, de mettre en danger les libertés fondamentales.
Ces lignes directrices font suite à l’adoption en octobre 2015 du règlement sur les télécommunications qui laisse une grande marge d’interprétation aux régulateurs. À moins d’un mois de la publication d’une première version des lignes directrices, l’orientation qui sera donnée par le BEREC n’est pas connue et de nombreuses organisations dans le monde s’inquiètent. Le risque est fort d’avoir des lignes directrices qui laisseraient trop de marge de manœuvre pour contourner le principe d’un Internet ouvert et non discriminatoire. Le manque de transparence des négociations n’est pas propice à avoir confiance dans les résultats qui sortiront des négociations.
Lors de l’atelier du 11 mai à l’ARCEP, Sébastien Soriano3Sébastien Soriano est président de l’ARCEP a parlé d’une « zone grise très grande » notamment concernant l’interprétation qui sera donnée aux pratiques commerciales. Ainsi, celles qui nécessiteront une action sur le réseau (comme le zéro rating) seraient « gris foncé » et feraient l’objet d’une évaluation stricte. Cependant, nos questions concernant la position des régulateurs européens quant à une offre récente de zéro rating de l’opérateur Telia en Suède sont restées sans réponse.
Les pratiques commerciales couplées à des offres, comme par exemple l’offre SFR Presse, seraient dans la zone « gris clair » et évaluées via le prisme du droit de la concurrence, bénéficiant ainsi de plus de flexibilité. Or une telle offre porte atteinte au principe du libre choix de l’utilisateur, puisque l’opérateur propose des services plus accessibles, ainsi qu’au principe de liberté d’informer. Ainsi, de très nombreuses questions restent en suspend.
L’élaboration de lignes directrices ne peut se satisfaire de « nuances de gris » qui seront, au fond, des nuances dans l’incertitude. Il y a un besoin crucial de clarté de la part des régulateurs, qui pourront ainsi élaborer beaucoup plus sereinement leur jurisprudence au cours de leur action future : puisque nous n’avons pas d’autre choix que de juger sur pièce la réalité de la neutralité du Net, alors il faut absolument que les lignes de départ soient les plus claires possibles, laissant le moins de place possible aux ambiguités d’interprétation.
Quelques points semblent cependant trouver un consensus, comme le fait que les activités de gestion de trafic, comme pour le contrôle parental par exemple, ne sont acceptables que si elles sont faites sous le contrôle de l’utilisateur final.
La Quadrature du Net tient à souligner une nouvelle fois le déficit criant de transparence dans le processus d’élaboration des lignes directrices, alors qu’un réel débat public aurait pu être lancé en proposant une consultation bien en amont. Nous appelons les utilisateurs à ne pas attendre la courte consultation officielle de six semaines à partir de juin, pour répondre à celle lancée par le collectif Save the Internet. Nous appelons aussi les internautes à déclarer les violations techniques et commerciales à la neutralité du Net sur le site Respect My Net.