Paris, le 19 octobre 2015 — Cet après midi, les députés membres de la commission LIBE au Parlement européen voteront le rapport Dati sur la prévention de la radicalisation et du recrutement des citoyens européens par les organisations terroristes. Ce rapport contient des dispositions dangereuses, visant à rendre responsables les plateformes et hébergeurs de la diffusion de messages faisant l’apologie du terrorisme, entraînant donc de forts risques de censure préventive. De telles dispositions mettent gravement en danger la liberté d’expression des citoyens européens.
Chère députée, Cher député,
Lundi, vous voterez en commission LIBE le rapport porté par Rachida Dati sur la « prévention de la radicalisation et du recrutement des citoyens européens par les organisations terroristes ». Ce rapport contient notamment un chapitre III sur la prévention de la radicalisation sur Internet. Or les dispositions contenues dans ce chapitre sont extrêmement dangereuses pour nos libertés fondamentales et notamment la liberté d’expression.
Le rapport cherche à amplifier un phénomène visant à donner aux hébergeurs et plateformes un pouvoir judiciaire, en les obligeant à définir eux-mêmes la légalité des contenus qu’ils hébergent. En outre, il cherche à les faire coopérer à des décisions de police administrative, qui contournent le pouvoir judiciaire, pour supprimer les contenus considérés comme illégaux par la police ou l’administration.
De telles dispositions remettent profondément en cause le principe de séparation des pouvoirs, principe qui est l’un des piliers de nos démocraties. Le pouvoir judiciaire ne doit pas être écarté au profit du pouvoir exécutif. Le pouvoir de censure ne doit pas non plus être transféré à des entreprises privées, sous prétexte que ces entreprises sont les vecteurs d’expression les plus utilisés par les internautes. Faire reposer la régulation des discours d’embrigadement sur des décisions administratives et la régulation préventive par les plateformes, c’est ouvrir une porte béante à la censure préventive des contenus, et donc à des atteintes lourdes et répétées à la liberté d’expression et au droit à l’information.
L’enjeu est celui de la sauvegarde des droits et libertés qui font la force de l’Europe : céder à la tentation de la censure administrative et privée, c’est appauvrir le fondement de nos démocraties.
Vous avez montré mardi dernier, en votant favorablement le rapport Moraes sur la surveillance électronique de masse, que vous comptiez promouvoir le droit à la vie privée, la liberté d’expression et de pensée. Refusez de briser le travail positif que vous faites en acceptant un rapport désastreux pour les droits fondamentaux en Europe.
Votez contre ce rapport ! Ne cédez pas à l’influence néfaste des pressions exercées sur vous. La lutte efficace contre le terrorisme ne doit pas et ne peut pas passer par l’effondrement de nos démocraties. La seule option valable pour garantir les droits fondamentaux des citoyens et permettre de repartir sur des bases saines est de voter contre ce texte.
Nous vous remercions par avance de votre engagement en faveur des libertés des citoyens européens que vous représentez.
Cordialement,
La Quadrature du Net