Paris, 5 juin 2015 — Les trois jours de discussion et de vote au Sénat sur le projet de loi relatif au renseignement n’ont pas permis de l’amender suffisamment pour le rendre acceptable, loin de là. Les dispositions les plus dangereuses pour les citoyens, instaurant la surveillance algorithmique indifférenciée, maintenant l’absence de réel pouvoir de la Commission nationale de contrôle de techniques de renseignement (CNCTR) et l’élargissement des champs d’action du renseignement, ont toutes été adoptées. La Quadrature du Net engage les sénateurs à voter contre l’ensemble du texte le 9 juin prochain, et invite les citoyens à faire entendre leur opposition à la surveillance de masse.
Légiférant à rebours de l’évolution internationale, qui deux ans après les révélations d’Edward Snowden sur l’ampleur de la surveillance menée par la NSA commence à engager un changement de pratiques, le Sénat a discuté et voté pendant trois jours, malgré une opposition courageuse de quelques sénateurs ou groupes politiques, les dispositions les plus liberticides du projet de loi défendu par Bernard Cazeneuve et Jean-Yves Le Drian. Le rapporteur Philippe Bas a montré un aveuglement inquiétant, raisonnant sous l’empire d’un juridisme étriqué, refusant de se saisir des véritables enjeux du texte en terme de libertés publiques.
Les champs d’action des services de renseignement n’ont pas été restreints, les pouvoirs de la CNCTR n’ont pas été renforcés significativement, les technologies de surveillance n’ont pas été discutées au fond ni dans leur ampleur, ni dans leur contrôle. Les dispositions relatives à la surveillance de masse (« boites noires ») ont été âprement discutées et leur suppression défendue par 64 sénateurs de tous bords. Hélas l’argumentaire culpabilisant du ministre de l’Intérieur et le recours à un vote public malgré de nombreux parlementaires absents a permis de faire passer cet article. Les mesures de surveillance internationale, avec toute l’ambiguité qu’elles portent, ont également été votées.
Les sénateurs sont appelés à voter sur l’ensemble du texte le mardi 9 juin prochain. Il reste donc cinq jours aux parlementaires et aux citoyens pour agir, et choisir de protéger la démocratie et les libertés fondamentales en refusant ce mauvais texte, afin de reprendre la rédaction d’une loi plus conforme aux engagements et aux valeurs de la République française.
« Les citoyens doivent appeler leurs sénateurs ou leur écrire, leur expliquant qu’ils ne veulent pas que cette loi soit votée en leur nom. Nous les appelons également à manifester le 8 juin place de la République contre la surveillance de masse. Les sénateurs ont traditionnellement un rôle de défenseurs des libertés, nous attendons d’eux qu’ils le montrent le 9 juin prochain : ils ne peuvent se satisfaire d’un si mauvais texte de loi, notre démocratie vaut mieux que cela ! » déclare Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de La Quadrature du Net.