Les meilleurs souvenirs Internet de Jérémie Zimmermann ? L’apparition du MP3, puis celle de Napster…
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Un de mes meilleurs souvenirs… je crois que c’est l’apparition de Napster… Parce que ça faisait des années qu’avec des potes on s’échangeait de la musique, qu’on s’échangeait des fichiers de musique.
J’avais un pote dans cette petite bande avec qui on se connectait en réseau qui avait inventé son propre format de compression de musique, qui compressait la musique 4 à 5 fois dans un truc à peu prêt correct… On avait commencé à utiliser ça, et on s’échangeait — mais comme des blagues — genre des chansons […]… et on se mettait à fond les ballons pour se faire chier les uns les autres. Et, mais on commençait comme ça à collectionner de la musique…
Puis un jour quelqu’un sur IRC me dit… presque en mode panique : « Regarde ce truc ! Télécharge ce soft ! C’est… c’est dingue ! » …Je vois un petit… lecteur multimédia… « Je… qu’est-ce que c’est que ton machin ? » Il me me dit « Bah ouvre le fichier qui, qui est livré avec, écoutes-le. ». J’ouvre le machin, « play », il y a un brouillis comme ça, stéréo, très bien fait, des bruits de verre… cristallin, tout ce qu’il faut… Je dis « Oui, bon, alors ? C’est un son, de bonne qualité, qu’est-ce que tu… ? pourquoi tu me… ? — Eh ben regarde la taille du fichier. » 71 kilo-octets… Oh ! oh non… Oh il l’ont fait… Oh… ça y est… on peut compresser plus de 10 fois le son, la musique… Donc, toute ma musique, désormais, sera comme ça.
J’ai passé une semaine à trouver le codeur qui venait du laboratoire Fraunhofer, j’ai encodé mon premier CD en MP3… ça m’a pris… douze heures de calcul, je crois… Donc j’en lançait un le soir quand je me révéillait c’était pas fini… Quand je revenais du lycée c’était fini puis j’en lançais un autre et puis j’ai fait toute ma collection de CD, comme ça en environ un mois. Puis j’ai donné mes CD. Et donc ça c’était 95… Et je savais que le futur de ma musique serait dans ce format, MP3.
Et, de là, avec les potes, on s’ouvrait des serveurs FTP ; d’autres bandes de potes à vélo de serveurs FTP ont commencé à aller les uns chez les autres, un p’tit peu comme sur la scène warez… Et on commençait à se remplir des bibliothèques de CD, on a commencé le, le peer-to-peer à notre sauce. Et, ça faisait, quand Napster est apparu, ça faisait trois ans que je me disais « Mais quand est-ce qu’on va avoir l’outil universel pour partager nos bibliothèques ! »
Et donc je crois que la semaine où Napster s’est ouvert je me suis jeté dessus… Direct j’en ai inventé une utilisation sociale, où en fait je repérais les utilisateurs qui avaient des fichiers bien rangés comme moi j’aimais bien les ranger, qui n’avaient que des albums complets, et qui avaient des trucs que j’aimais… et je parlais avec eux. « Salut, je vois que t’as tel et tel machin, heu si ça te dérange pas je vais te prendre ça et ça et ça, et puis si t’aimes ça et ça et ça je te recommande chez moi d’aller prendre ça et ça et ça », et j’ai « rencontré » — entre guillemets hein, parce que je les ai jamais vu physiquement — des gens avec qui j’ai eu des relations, discuté de musiques de choses et tout… avec qui ont a partagé la culture musicale comme ça ; et je, c’est là que j’ai fait ma culture musicale… Avant ça j’avais, heu… avant le MP3 j’avais peut-être dix références culturelles, avant Napster j’en avais peut-être cinquante ou soixante… maintenant c’est des centaines d’artistes, j’ai passé des années à être à la pointe, le p’tit label de musique que j’allais voir en concert… au Rex, au Bateau phare, à la Bonne époque, etc.
Napster c’est le début de mon apprentissage de la culture musicale, ça c’est vraiment… c’était vraiment une révélation.