Paris, le 22 février 2012 – La Commission européenne vient d’annoncer son intention de demander l’avis de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) sur la conformité d’ACTA avec les libertés fondamentales. Au-delà de l’intention évidente de désamorcer l’intense débat en cours, cette saisine réduit le débat sur ACTA à des questions juridique, alors que le cœur du problème est avant tout politique.
Alors que la Commission européenne a constamment refusé de mener une étude d’impact sur les conséquences d’ACTA pour les libertés fondamentales, elle est désormais décidée à jouer la montre face à l’opposition citoyenne grandissante.
Même si le texte de la saisine de la CJUE n’a pas été publié, l’approche annoncée par la Commission européenne est étriquée et purement juridique. D’importantes questions ne seront pas posées, et resteront donc sans réponse :
- Une interprétation maximaliste des sanctions pénales inclues dans ACTA (pour « aider et faciliter » des infractions à « l’échelle commerciale ») peut-elle être utilisée par l’industrie du divertissement comme une arme d’intimidation, pour pousser les acteurs d’Internet à déployer des mesures répressives contractuelles ?
- Quelles seront les conséquences sur le débat public et les politiques publiques européennes d’une sanctuarisation de dispositions répressives dont on attend toujours les études d’impact, et qui sont fortement critiquées (telles que l’IPRED et l’EUCD) ?
- Des dispositions touchant au processus décisionnel européen, à la libre circulation de l’information et à la liberté d’entreprendre sur Internet peuvent-elles être négociées au lieu d’être démocratiquement débattues, et être légitimes ?
- ACTA est-il nécessaire alors que nous assistons à un conflit manifeste entre les politiques répressives du droit d’auteur et les libertés fondamentales, et que d’autres pistes sont envisageables, telles qu’une réforme positive prenant en compte les nouvelles pratiques culturelles ?
« La Commission européenne pose les mauvaises questions, parce qu’elle a peur d’obtenir les bonnes réponses. Elle tente d’empêcher la Cour d’évaluer l’impact d’ACTA sur les droits fondamentaux en prenant en compte ses interactions à la fois avec le droit européen existant et les révisions annoncées de l’IPRED et de la directive « services en ligne ». Dans cette perspective plus large, les effets dommageables d’ACTA sur les libertés fondamentales sont tellement évidents que l’avis de la CJUE n’est même pas nécessaire. » déclare Philippe Aigrain, co-fondateur de La Quadrature du Net.
« ACTA est dangereux parce qu’il cherche à contourner la démocratie, et parce que son texte peut donner lieu à des interprétations ultra-répressives par les pays signataires et les juges. La Commission semble craindre que l’actuel débat enflammé sur ACTA, ainsi que la prise de conscience grandissante que le système actuel ne fonctionne plus, n’aboutissent à une nécessaire réforme du droit d’auteur en faveur de la culture et de l’innovation à l’ère numérique. Aucun débat juridique ne donnera à l’ACTA une légitimité que, par nature, il ne pourra jamais avoir. » conclut Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’organisation citoyenne.