Le 29 septembre 2010, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté une déclaration sur la neutralité du Net1Le texte complet de la déclaration : https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=Decl%2829.09.2010_2%29&Language=lanFrench&Ver=original&Site=COE&BackColorInternet=DBDCF2&BackColorIntranet=FDC864&BackColorLogged=FDC864. La déclaration est dans l’ensemble une bonne nouvelle pour la protection de la liberté d’expression et de communication en Europe. C’est un signe de plus indiquant que les gouvernements réalisent enfin l’importance des principes fondateurs d’Internet pour le futur des droits et libertés dans nos démocraties.
La déclaration reconnaît que « les réseaux de communication électronique sont devenus des instruments fondamentaux du libre échange d’idées et d’informations. Ils contribuent à garantir la liberté d’expression et le libre accès à l’information, le pluralisme et la diversité, et concourent à l’exercice d’un certain nombre de droits fondamentaux. »
Parce qu’Internet est devenu crucial pour les droits et les libertés dans notre société actuelle, le Comité des Ministres souligne l’importance de la neutralité du réseau: « Les utilisateurs devraient avoir le plus large accès possible à tout contenu, application ou service de leur choix sur internet, qu’ils leur soient offerts ou non à titre gratuit, en choisissant les appareils appropriés de leur choix. Ce principe général, habituellement appelé neutralité de réseau, s’applique quels que soient l’infrastructure ou le réseau utilisés pour la connexion internet.« . Cette dernière phrase signifie que la neutralité du Net doit s’applique à la fois aux réseaux fixes et mobiles.
Le texte fournit des exemples de situations pour lesquelles les pratiques de gestion du trafic (lorsque les opérateurs de réseau discriminent les flux de données en ralentissant ou en bloquant certains types de trafic) semblent légitimes2 La déclaration dit que « cette gestion peut être liée à la qualité du service, au développement de nouveaux services, à la stabilité et à la fiabilité du réseau ou à la lutte contre la cybercriminalité ». Ici, le texte reste vague, puisqu’il ne fait pas la distinction entre des pratiques de gestion du trafic raisonnables dans le cadre d’accès Internet, et celles qui ne sont acceptables que dans le contexte de services gérés3Selon l’Arcep, les services gérés sont des « services d’accès à des contenus/services/applications par voie électronique proposés par l’opérateur de réseau, pour lesquels il garantit des caractéristiques spécifiques, grâce à des traitements qu’il met en œuvre sur le réseau qu’il contrôle. Certaines caractéristiques classiques sont le taux de fiabilité, la latence minimale, la gigue (variation du délai de transmission, appelée aussi « jitter »), la bande passante garantie, le niveau de sécurité, etc. Telle que définie ci-dessus, la fourniture d’un accès à l’internet à l’utilisateur final ne constitue donc pas un service géré. Certains services gérés peuvent faire l’objet d’une contractualisation avec un PSI [prestataire de service sur Internet] ; ils peuvent également résulter d’une offre mise à la disposition de l’utilisateur final, qu’elle soit isolée ou sous forme d’option associée à un accès à internet. »
http://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/consult-net-neutralite-200510.pdf. Lorsqu’il s’agit d’accès Internet, les exceptions à la neutralité du Net doivent exclure toute discrimination du trafic à fins commerciales, et être limitées aux périodes de congestion imprévisibles des réseaux et aux menaces sur leur sécurité.
Au-delà de ce manque de clarté au sujet des pratiques de gestion raisonnables, la déclaration souligne que toute exception à ce principe de neutralité du Net « devrait être considérée avec beaucoup de circonspection et être justifiée par des raisons impératives d’intérêt public majeur »
En ce qui concerne les fondements juridiques pour la protection de la neutralité du Net, la déclaration mentionne l’Article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, ainsi que l’article 8.4.g du Paquet Télécom européen, qui dispose que les autorités nationales de régulation devraient « favoriser la capacité des utilisateurs finaux à accéder à l’information et à en diffuser ainsi qu’à utiliser des applications et des services de leur choix ».
Ces dispositions sont utiles, mais dans un document récent soumis à la Commission Européenne, nous estimons que les législateurs européens doivent adopter des mesures ad-hoc pour protéger la neutralité d’Internet. Tous les accès à Internet doivent respecter le principe de la neutralité du Net, et les exceptions à ce principe respecter un cadre d’évaluation garantissant que cette pratique de gestion du trafic contribue réellement à la liberté de communication des utilisateurs finaux qui seront affectés. D’après la déclaration du Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe, ces pratiques de gestion du trafic « devraient être proportionnées, appropriées et doivent éviter toute discrimination injustifiée ; elles devraient être soumises à un examen périodique et ne devraient pas être maintenues au-delà de la durée strictement nécessaire ».
L’adoption de cette déclaration est un élément de plus qui doit encourager la Commission européenne et les États membres à garantir la neutralité du Net.
References
↑1 | Le texte complet de la déclaration : https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=Decl%2829.09.2010_2%29&Language=lanFrench&Ver=original&Site=COE&BackColorInternet=DBDCF2&BackColorIntranet=FDC864&BackColorLogged=FDC864 |
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↑2 | La déclaration dit que « cette gestion peut être liée à la qualité du service, au développement de nouveaux services, à la stabilité et à la fiabilité du réseau ou à la lutte contre la cybercriminalité » |
↑3 | Selon l’Arcep, les services gérés sont des « services d’accès à des contenus/services/applications par voie électronique proposés par l’opérateur de réseau, pour lesquels il garantit des caractéristiques spécifiques, grâce à des traitements qu’il met en œuvre sur le réseau qu’il contrôle. Certaines caractéristiques classiques sont le taux de fiabilité, la latence minimale, la gigue (variation du délai de transmission, appelée aussi « jitter »), la bande passante garantie, le niveau de sécurité, etc. Telle que définie ci-dessus, la fourniture d’un accès à l’internet à l’utilisateur final ne constitue donc pas un service géré. Certains services gérés peuvent faire l’objet d’une contractualisation avec un PSI [prestataire de service sur Internet] ; ils peuvent également résulter d’une offre mise à la disposition de l’utilisateur final, qu’elle soit isolée ou sous forme d’option associée à un accès à internet. » http://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/consult-net-neutralite-200510.pdf |