Paris, le 7 septembre 2010 – La loi LOPPSI sera examinée cet après-midi au Sénat. Elle contient dans son article 4 la mise en œuvre du filtrage du Net, mesure inefficace, dangereuse pour les libertés individuelles, et ouvrant inévitablement la porte à la censure. Après avoir fait sauter le verrou du respect des droits humains élémentaires avec la stigmatisation des roms, l’instrumentalisation de la protection de l’enfance pour censurer le Net apparaît sous son vrai jour.
Alors que personne n’a aujourd’hui démontré l’efficacité du filtrage du Net pour combattre la pédopornographie et son commerce ; que tous les dispositifs de filtrage sont facilement contournables ; que le risque de bloquer l’accès à des sites parfaitement légitimes est inévitable, de l’aveu même du gouvernement1pages 14 et 15 de l’étude d’impact du gouvernement accompagnant le projet de loi: http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/projets/pl1697.pdf (pages 108 et 109 de ce document) ; que le filtrage détournerait les enquêteurs de modes d’action efficaces; le gouvernement s’entête avec la LOPPSI. Les sénateurs UMP ont même durci le texte en Commission en supprimant le contrôle du juge, bien maigre barrière démocratique pourtant imposée par l’Assemblée.
Le filtrage donne l’illusion qu’une solution clés en main est apportée au problème des violences sur mineurs. Si le problème n’est officiellement plus visible depuis la France, alors il devient politiquement opportun de clamer l’avoir réglé. Le filtrage permet donc d’éviter de poser la question épineuse de la mise en œuvre de mesures efficaces de sanctions et de dissuasion : attaquer les flux financiers (ce qui impliquerait la levée de divers secrets bancaires), mettre en œuvre une coopération internationale entre services de police et de justice dotés de moyens d’action pour appréhender les auteurs d’un site, le mettre hors ligne, etc.
Outre-Rhin l’abandon du filtrage a laissé la place à une politique volontariste visant à mettre les sites hors-ligne plutôt que de les filtrer. Cette politique, la seule à même de regler le problème de façon définitive, est aujourd’hui couronnée de succès : 98% des contenus signalés ont été mis hors-ligne2Voir à ce sujet l’étude de l’ECO (DE) : http://www.eco.de/verband/202_8168.htm.
« Filtrer le Net au nom de la protection de l’enfance s’inscrit dans une stratégie sécuritaire tous azimuts : on stigmatise des populations entières, on installe des surveillances généralisées, on confie des actions de police à des acteurs privés et tout est bon pour surveiller, contrôler et brider l’internet. C’est malhonnête, inefficace et dangereux. Les sénateurs ont encore une chance de se ressaisir et de rejeter l’article 4 de la LOPPSI. » conclut Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’initiative citoyenne La Quadrature du Net.