Strasbourg, 19 mai 2010 — Aujourd’hui, avec la parution de l’Agenda Numérique de Neelie Kroes, la Commission Européenne dévoile ses grandes orientations sur les politiques touchant à Internet. Plusieurs fuites de documents de travail ont révélé d’importantes pressions exercées par divers lobbies sur la Commission. Alors que le ton général du document est encourageant, la question importante de l’interopérabilité et des standards ouverts a finalement été arbitrée en faveur des vendeurs de logiciels américains. Quant à l’application des DPI (« droits de propriété intellectuelle ») et la criminalité en ligne, le pire a été évité mais certaines formulations ambigües subsistent.
Une analyse plus détaillée de l’Agenda Numérique est disponible (en anglais).
- Contenus créatifs : Après des années de conservatisme de la part des ayants-droit, l’Agenda numérique fait un premier pas timide pour aller de l’avant1Le document définit comme objectif de parvenir à une réforme de la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins afin d’atténuer le contrôle des grands groupes du divertissement sur la circulation des œuvres, tout en reconnaissant des droits aux utilisateurs. Ce sera au moment de la mise en œuvre que l’on sera en mesure d’évaluer la réalité du rééquilibrage annoncé.. Il pourrait ouvrir la voie à une évolution raisonnable du droit d’auteur et des droits voisins dans l’UE s’il débouche sur un débat ouvert et crée les conditions d’un changement de politique.
- Cybercriminalité : L’ajout tardif de formules très ambigües illustre les pressions exercées par la commissaire aux Affaires intérieures, Cecilia Malmström, en vue d’insérer une référence au filtrage du Net dans l’Agenda numérique2« (…) to tackle sexual exploitation and child pornography, alert platforms can be put in place at national and EU levels, alongside measures to remove and prevent viewing of harmful content« . Une telle formulation pourrait donner lieu à des interprétations dangereuses. Alors que le retrait pur et simple des contenus pédopornographiques présents sur Internet est la seule manière de lutter efficacement contre la maltraitance des enfants dans le monde, « empêcher la consultation » – l’expression employée dans le texte – peut faire référence soit à de simples filtres installés et contrôlés par l’utilisateur final, soit au très problématique filtrage à l’échelle du réseau.
- Neutralité du Net : Tout en rappelant le lancement d’une consultation sur la question au cours de l’été en vue du rapport que la Commission doit remettre au Parlement d’ici la fin de l’année, l’Agenda Numérique reconnaît l’importance de la neutralité du Net pour la liberté d’expression.
- Interopérabilité : la disparition, dans le document final, de toute référence aux standards ouverts est une vraie défaite pour l’innovation et la concurrence sur Internet. Il s’agit d’une indication claire de l’influence néfaste du lobby des fabricants de logiciels propriétaires sur la Commission.
« L’Agenda Numérique est le résultat en partie équivoque de réelles tensions au sein de la Commission, mais il témoigne également des pressions intenses émanant des lobbies de l’industrie. Bien que certaines parties de l’Agenda soient un peu décevantes pour les standards ouverts et les utilisateurs de Logiciels Libres, les propositions sont dans l’ensemble encourageantes. Cela étant dit, l’Agenda Numérique n’est pas juridiquement contraignant pour le législateur européen. Il faut le voir comme une invitation pour chaque citoyen à s’assurer qu’il débouchera sur un engagement constant de la part de la Commission à protéger l’intérêt général. Nous félicitons Mme Kroes et espérons qu’elle sera à même de résister à la pression des groupes d’intérêts afin d’ouvrir la voie à une véritable société de la connaissance, respectueuse des libertés fondamentales de ses citoyens », déclare Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net.
Une analyse plus détaillée de l’Agenda numérique est disponible (en anglais).
References
References ↑1 Le document définit comme objectif de parvenir à une réforme de la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins afin d’atténuer le contrôle des grands groupes du divertissement sur la circulation des œuvres, tout en reconnaissant des droits aux utilisateurs. Ce sera au moment de la mise en œuvre que l’on sera en mesure d’évaluer la réalité du rééquilibrage annoncé. ↑2 « (…) to tackle sexual exploitation and child pornography, alert platforms can be put in place at national and EU levels, alongside measures to remove and prevent viewing of harmful content«