Paris le 19 février 2009 − En quelques jours, une avalanche de mauvaises nouvelles est venue assombrir le ciel européen pour les tenants de la loi Création et internet. Après les votes du Parlement européen, ce sont le Contrôleur européen de la protection des données et la Commissaire européenne à la société de l’information et aux médias qui envoient de nouveaux signaux sans ambiguité d’opposition à la riposte graduée. Par ailleurs, des rumeurs circulant dans les couloirs du Parlement européen semblent annoncer que le rapport Medina, qui tentait d’introduire par une porte dérobée un avis parlementaire favorable à la riposte graduée, serait reporté sine die.
Le 16 février, le Contrôleur européen de la protection des données a publié un avis sur la révision de la directive européenne 2002/22/CE (qui fait partie du paquet télécom). Une partie importante du rapport est consacrée aux mécanismes de « three-strike approach » qui sont le modèle de la loi Création et Internet. Petit extrait (traduit par nos soins) : « Dans une lettre datée du 2 février 2009 à M. Malcolm Harbour, rapporteur de la directive « Service Universel », le contrôleur a exprimé ses inquiétudes sur les implications pour les données personnelles de la surveillance systématique de l’internet qui est un élément inhérent aux approches de riposte graduée. Il a aussi mis en question le fait de confier le rôle de gardien des droits fondamentaux à des organismes privés (comme les détenteurs de droits ou les FAI), plutôt qu’aux autorités judiciaires ». Le contrôleur invite également les organismes législatifs à réintroduire l’amendement 138 et d’autres dispositions protectrices des droits que le Conseil a supprimés après leur adoption en première lecture au parlement. Un nouveau dépôt de l’article 138 au parlement ne semble faire aucun doute.
Le même 16 février, la commissaire européenne Viviane Reding a annoncé qu’elle suspendait toutes les actions liées à la lutte contre le « piratage en ligne » d’ici la fin de son mandat à l’automne prochain. Voici un extrait de l’article que consacre Euractiv à cette annonce : « Bruxelles avait prévu de présenter ces propositions sous la forme d’une recommandation en avril. Mais le plan est désormais bloqué, après que « le débat se soit radicalisé, ne laissant aucune marge de manœuvre », a confié à EurActiv un représentant de la Commission, faisant ainsi allusion à la forte pression exercée par l’industrie du contenu (en particulier musical) qui, dans le cadre des négociations sur le paquet télécoms, est principalement soutenue par la France. »
Le parlement européen n’est pas en reste. Le projet de rapport Medina consacré au bilan de la directive EUCD tentait d’encourager des mesures du type « riposte graduée ». Ses orientations ont soulevé une telle levée de boucliers au parlement, qu’on apprend que la soumission au vote de ce rapport serait reportée sine die.
Philippe Aigrain, co-fondateur de la Quadrature du net remarque : « Cela fait pourtant près d’un an que nous prévenons le gouvernement que les dispositions de la riposte graduée sont inacceptables au niveau européen. Mais la ministre et l’Élysée se sont auto-intoxiqués en adoptant le cadre de vision terriblement étroit que leur proposent quelques groupes d’intérêt et des conseillers déconnectés des réalités. »