Paris, le 27 novembre 2008 − Le Conseil de l’UE est parvenu ce jeudi 27 novembre à un accord politique sur la réforme des télécommunications (« paquet télécom »). Des modifications cruciales ont été apportées au texte : d’une part le projet de Nicolas Sarkozy d’imposer la réponse graduée à l’Europe toute entière est enterré, et, d’autre part, d’importantes protections des droits et libertés des citoyens ont été supprimées.
Ces dernières semaines, des citoyens de nombreux pays européens1Des lettres ont été envoyées depuis l’Allemagne, l’Espagne, la France,les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, le Royaume-Uni, etc. ont attiré l’attention des représentants au Conseil sur le paquet télécom, en les rencontrant, en leur envoyant des lettres, en alertant les médias, etc. Cet intense activisme a sans aucun doute favorisé la modification d’éléments critiques du texte sur lequel les ministres des vingt-sept États membres se sont accordés.
Les dispositions imposant le principe de « réponse graduée » à l’Union européenne ont été neutralisées dans la version du Conseil. C’est un sérieux revers pour l’industrie du divertissement qui a dépensé tant d’énergie2Vie privée : l’industrie du film pirate le droit européen.
http://www.laquadrature.net/fr/vie-privee-industrie-film-pirate-droit-europeen< à promouvoir ce principe.
Toutefois, le texte issu de l’accord pose toujours des problèmes majeurs :
- La suppression de l’amendement 138 (Art.8, par.4 (g bis) de la directive cadre), au vague prétexte que son énoncé était trop large6Il aurait dans ce cas suffit de le modifier pour apporter des précisions… est en opposition manifeste avec l’expression démocratique de 88% des eurodéputés et celle de la Commission européenne. Cette décision illustre un manque flagrant et inquiétant de courage politique dans la protection des droits et libertés des citoyens. Cependant, comme cela a été répété à maintes reprises7Même les plus farouches partisans de la riposte graduée en conviennent, y compris celle qui porte le projet en France, la ministre Christine Albanel :« ce texte se borne à rappeler un principe très général, qui n’ajoute rien au droit existant »
http://www.laquadrature.net/wiki/Story_of_Anti-3-Strikes_Amendments, cet amendement était un simple rappel des droits fondamentaux exitant en Europe. S’il était très utile au sein d’un texte mettant en péril ces mêmes droits, les principes qu’il rappelle sont bien entendu toujours applicable, avec ou sans cet amendement. Qui plus est, à ce stade de la procédure législative, le Parlement européen aura l’occasion de réintroduire ces principes en seconde lecture. - Des dispositions relatives à la « coopération dans la promotion des contenus licites » (Art.33 par.2 bis et considérant 12 quater de la directive Service Universel), sont toujours présentes dans le texte. Ces points ont été inpirés et ardemment soutenus par le lobby du cinéma français afin d’introduire la « riposte graduée » au niveau européen. Leur formulation trop vague peut encore être utilisée par les gouvernements nationaux pour enfreindre les droits et libertés fondamentales de leurs citoyens, jusqu’à ce qu’une cour européenne8Tant la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pourrait annuler les mesures répressives de la riposte graduée, tant il a été rappelé les incompatibilités de ce dispositif avec le droit communautaire et les droits et libertés fondamentaux. leur rappelle la loi. C’est exactement ce que la France a prévu de faire dans quelques semaines avec le passage à l’Assemblée nationale du projet de loi « Création et Internet ». Cependant, l’avenir de ce projet français est encore loin d’être certain, comme tendent à le montrer les observations envoyées par la Commission européenne9La Tribune a publié la réponse de la Commission à la notification obligatoire du projet de loi « Création et Internet ».
http://www.latribune.fr/entreprises/communication/telecom-internet/20081127trib000314818/loi-antipiratage-sur-internet-les-observations-de-bruxelles-.html qui viennent s’ajouter aux critiques formulées de toute part10Des instances européennes − Parlement européen, Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), le gouvernement Suédois, etc., nationales − Conseil d’État, Commission nationale informatique et libertés (CNIL), Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), etc., des associations d’internautes − Internet Society’s European Coordinating Council (ISOC-ECC), Electronic Frontier Foundation (EFF), Privacy International (PI), Asociación de Internautas, Open Rights Group, April, etc., de consommateurs − Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), UFC-Que Choisir, etc. − ou d’entreprises − Association des services internet communautaires (ASIC), Association des fournisseurs d’accès et de services internet (AFA), Free, Groupement des éditeurs de services en ligne (GESTE), etc. ..
« Il n’est pas tolérable que le Conseil efface des mises en œuvres cruciales de principes fondamentaux. Le Conseil laisse Nicolas Sarkozy libre de violer les droits des citoyens Français avec son projet national de « riposte graduée ». La commissaire, Viviane Reding, était la seule à ne pas partager cette position digne de Ponce Pilate. » explique Gérald Sédrati-Dinet, analyste pour La Quadrature du Net.
« L’accord du Conseil n’est pas parvenu à protéger les droits fondamentaux en effaçant deux protections essentielles. Espérons que le Parlement européen combattra les lobbies de l’industrie durant la seconde lecture, afin de nettoyer la totalité du texte. Aucun compromis ne doit être toléré dans la protection du droit à un procès équitable et de de la vie privée dans l’environnement numérique. » conclut Jérémie Zimmermann, co-fondateur et coordinateur de La Quadrature.
References
↑1 | Des lettres ont été envoyées depuis l’Allemagne, l’Espagne, la France,les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, le Royaume-Uni, etc. |
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↑2 | Vie privée : l’industrie du film pirate le droit européen. http://www.laquadrature.net/fr/vie-privee-industrie-film-pirate-droit-europeen< |
↑3 | L'amendement 181 avait été précédemment adopté par le Parlement européen pour contrer cette dérive. |
↑4 | Qu'ils soient clients ou non de cet opérateur. |
↑5 | « Parce que l'amendement est construit de manière à ce que sa portée soit large, par exemple [...] il ne limite pas le type d'entités (contrôleurs de données) auquel il est censé s'appliquer, le CEPD s'inquiète qu'il puisse être interprété trop largement. Notamment, le CEPD s'inquiète qu'il puisse être utilisé pour légitimer l'obtention de données de trafic à des fins qui ne soient pas purement de sécurité. Il s'inquiète également qu'il puisse ouvrir la porte à toute personne, non seulement les fournisseurs de service et de produit de sécurité, pour traiter les données de trafic en prétendant le faire à des fins de sécurité. » http://www.laquadrature.net/wiki/CEPD_Commentaires_Paquet_Telecom_IMCO |
↑6 | Il aurait dans ce cas suffit de le modifier pour apporter des précisions… |
↑7 | Même les plus farouches partisans de la riposte graduée en conviennent, y compris celle qui porte le projet en France, la ministre Christine Albanel :« ce texte se borne à rappeler un principe très général, qui n’ajoute rien au droit existant » http://www.laquadrature.net/wiki/Story_of_Anti-3-Strikes_Amendments |
↑8 | Tant la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pourrait annuler les mesures répressives de la riposte graduée, tant il a été rappelé les incompatibilités de ce dispositif avec le droit communautaire et les droits et libertés fondamentaux. |
↑9 | La Tribune a publié la réponse de la Commission à la notification obligatoire du projet de loi « Création et Internet ». http://www.latribune.fr/entreprises/communication/telecom-internet/20081127trib000314818/loi-antipiratage-sur-internet-les-observations-de-bruxelles-.html |
↑10 | Des instances européennes − Parlement européen, Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), le gouvernement Suédois, etc., nationales − Conseil d’État, Commission nationale informatique et libertés (CNIL), Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), etc., des associations d’internautes − Internet Society’s European Coordinating Council (ISOC-ECC), Electronic Frontier Foundation (EFF), Privacy International (PI), Asociación de Internautas, Open Rights Group, April, etc., de consommateurs − Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), UFC-Que Choisir, etc. − ou d’entreprises − Association des services internet communautaires (ASIC), Association des fournisseurs d’accès et de services internet (AFA), Free, Groupement des éditeurs de services en ligne (GESTE), etc. . |