Réglementation – Le président français a sollicité l’intervention de José Manuel Barroso pour faire disparaître un amendement contre la riposte graduée voté par les eurodéputés. Mais le président de la Commission européenne lui a opposé une fin de non-recevoir.
Nicolas Sarkozy a décidé de peser de tout son poids dans le débat sur la lutte contre le téléchargement illégal. Le président de la République tente de sauver le concept de riposte graduée, dangereusement mis à mal par un amendement au Paquet télécom adopté il y a deux semaines par le Parlement européen.
« Il est fondamental que l’amendement n°138 (…) soit rejeté par la Commission », écrit-il dans une lettre adressée à José Manuel Barroso, président de la Commission européenne. C’est Libération qui s’est procuré une copie de ce courrier : « Cet amendement tend à exclure la possibilité pour les Etats membres d’appliquer une stratégie intelligente de dissuasion du piratage. Pour écarter l’amendement, je sollicite votre engagement personnel et celui de la Commissaire en charge du dossier [Viviane Reding] », y demande Nicolas Sarkozy.
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Les députés en front quasi uni
Et de donner à Nicolas Sarkozy un cours sur le fonctionnement des institutions : « La Commission invite le gouvernement français à discuter de sa position sur l’amendement 138 avec les ministres des 26 autres Etats Membres. Le Paquet télécom est examiné sous la procédure de codécision, un texte ne peut donc devenir loi que lorsque le Parlement et le Conseil sont tombés d’accord. »
Rappelons que l’amendement 138 a été adopté par une très large majorité d’eurodéputés il y a deux semaines (573 voix pour, 74 contre). Le texte prévoit qu’une « restriction aux droits et aux libertés des utilisateurs » ne peut être prononcée que par un tribunal, « sauf en cas de force majeure ou impératifs de préservation de l’intégrité et de la sécurité des réseaux ».
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Le poker commence
De son côté, le collectif la Quadrature de Net ne voit dans la lettre du président que de basses manoeuvres politiciennes : « Nicolas Sarkozy (…) devrait admettre que le droit communautaire s’applique aussi à la France et retirer son projet de loi. Mais il ne pense qu’à servir les lobbies du disque et des films qui veulent coûte que coûte faire un précédent en Europe, pour ensuite généraliser la riposte graduée », explique le collectif.
« Le hic, c’est que face aux risques politiques, Viviane Reding, la commissaire en charge du dossier, a renoncé à piétiner le vote sans appel du Parlement européen. Dans sa lettre, Sarkozy demande donc à Barroso de tordre le bras à Reding. »
Après la réponse négative de José Manuel Barroso, la France va devoir jouer au poker, pour réussir à rallier le Conseil européen à sa position. Ensuite, il faudra parvenir à faire voter en l’état le projet de loi Création et Internet, avant que le Paquet télécom ne revienne devant les parlementaires européens, qui promettent déjà de revoter l’amendement 138 en seconde lecture, quelles que soient les oppositions.
http://www.zdnet.fr/actualites/internet/0,39020774,39383881,00.htm