Nicolas Sarkozy se voyait déjà campé sur le gaillard d’avant du vaisseau européen, en amiral victorieux des pirates. Mais son arme fatale, la « riposte graduée », a du plomb dans l’aile, avant même son inscription dans le droit français. Présenté comme « adapté et proportionné » […]
Problème : le titulaire de l’accès peut ne pas être le pirate et, surtout, l’accès n’est pas individuel. Il est associé à un domicile, une entreprise ou un lieu public. La sanction frapperait donc toutes les personnes famille, colocataires, employés usant de cet accès pour travailler, étudier, s’informer, faire leurs démarches quotidiennes, correspondre,etc. Toutes celles ayant souscrit à des forfaits double ou triple play se verraient même privées de téléphone, tout en étant tenues de payer leur abonnement.
Outre le fait que la riposte graduée est une usine à gaz, qui ne va guère dans le sens de la réduction des dépenses publiques, elle soulève la question du droit à l’accès à Internet à l’heure où celui-ci devient le sésame pour accéder aux administrations publiques, à l’enseignement et aux échanges socioculturels. En Suède, où un rapport préconisait un dispositif similaire, le gouvernement a récemment tranché. « La coupure d’un abonnement à Internet est une sanction aux effets puissants qui pourrait avoir des répercussions graves dans une société où l’accès à Internet est un droit impératif pour l’inclusion sociale », ont déclaré les ministres suédois de la Culture et de la Justice. Un amendement au rapport de l’eurodéputé socialiste Guy Bono sur les industries culturelles a été adopté par le Parlement européen le 10 avril. Il invite les États membres « à éviter l’adoption de mesures allant à l’encontre des droits de l’homme, des droits civiques et des principes de proportionnalité, d’efficacité et d’effet dissuasif, telles que l’interruption de l’accès à Internet ». Pour le collectif La Quadrature du Net (collectif nouvellement créé par des citoyens inquiets des visées autoritaires du gouvernement Sarkozy sur Internet), comme pour l’UFC-Que choisir, le gouvernement devrait tirer les leçons de ce désaveu et retirer un projet de loi « à contresens de l’histoire numérique ».
http://www.politis.fr/Usine-a-gaz,3516.html