Paris, 3 juillet 2014 — Faire des fréquences hertziennes un véritable bien commun pour les communications sans fil. C’est le sens des propositions portées par Joëlle Toledano, chargée d’une mission sur l’optimisation de la gestion des fréquences. Le rapport rendu hier par la mission Toledano s’inscrit dans la lignée des positions défendues par La Quadrature du Net depuis 2011 visant à promouvoir un accès ouvert à la ressource hertzienne, notamment dans le but de favoriser le développement d’un Internet citoyen. La balle est désormais dans le camp des pouvoirs publics, qui doivent s’engager à rapidement faire évoluer les politiques en la matière, trop souvent inféodées aux intérêts commerciaux des grands opérateurs télécoms.
À l’issue d’une étude aux dimensions à la fois techniques, juridiques et économiques, la mission dirigée par Mme Toledano soumet huit propositions à l’attention d’Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. En premier lieu, le rapport identifie de nouvelles plages de fréquences susceptibles de faire l’objet d’un accès libre, sur le modèle du Wifi (sans octroi préalable de licence)1Le rapport propose ainsi de : « mettre à disposition du secteur davantage de spectre ouvert, sans licence. Il s’agit d’une condition indispensable au développement de l’innovation et à la compétitivité des entreprises innovantes utilisatrices de spectre. Ce spectre joue, de plus, un rôle essentiel dans le développement des usages du très haut débit fixe et mobile ». En particulier, est proposé le fait de « rendre accessible, sans licence, en tenant compte des contraintes existantes, une partie du spectre dans les bandes 870-876 MHz et 915-921 MHz pour des appareils à faible puissance » et d’« étudier la faisabilité d’une amélioration des conditions d’utilisation de la bande 863-870 MHz par les appareils de faible puissance, tout en veillant à la protection des autres utilisateurs de la bande »., propose d’étendre les fréquences allouées au Wifi2Le rapport propose d’« augmenter, dans certaines conditions, la puissance d’émission autorisée dans la bande existante 5 470-5 725 MHz, en veillant à la protection des autres utilisateurs de la bande ; [de] mener les travaux susceptibles de conduire à élargir les bandes mises à disposition, pour des services de type Wifi, en complément du très haut débit fixe, dans la bande des 5 GHz, en prenant en considération les enjeux économiques sous-jacents et la protection des autres utilisateurs ; [de] promouvoir l’utilisation de la bande des 60 GHz pour ce type de services »., et enfin d’ouvrir les fréquences allouées à la radiodiffusion mais non utilisées (les « espaces blancs ») à des projets d’expérimentation3« Afin d’expérimenter l’utilisation des espaces blancs de la télévision sur les plans technique et commercial, tout en veillant à la protection de la diffusion de la télévision numérique terrestre, mettre en place un guichet d’expertise et de conseil permettant de recueillir et d’étudier les premiers projets visant à l’utilisation de ces fréquences ». En second lieu, le rapport propose de rénover les politiques en la matière grâce à l’inscription dans la loi d’une incitation à l’ouverture et au partage des fréquences.
Ces propositions constructives vont dans le sens des positions exprimées en 2011 par le Parlement européen, ainsi que des recommandations d’une étude indépendante commanditée par la Commission européenne en 2012. Elles sont de nature à permettre à la France et à l’Europe de commencer à rattraper leur retard en la matière sur les États-Unis, en favorisant l’essor de nombreuses applications sans-fil.
« En se contentant de faire des fréquences hertziennes le pré-carré des opérateurs, les autorités françaises privent les citoyens d’une ressource fondamentale. L’étude réalisée par la mission dirigée par Mme Toledano démontre que gérer une plus grande partie du spectre comme un bien commun ouvert à tous va dans le sens de l’innovation, de la liberté de communication, et donc de l’intérêt général. Les propositions qui y sont faites marqueraient une rupture bienvenue avec les politiques actuelles si elles venaient à être appliquées. Outre les nombreuses PME qui pourront innover grâce à un accès élargi aux fréquences, un spectre plus ouvert facilitera le développement des fournisseurs d’accès associatifs qui déploient des réseaux sans-fil partout en France. À charge désormais pour le gouvernement et l’Arcep de se saisir des propositions qui leur sont faites pour réformer rapidement les politiques publiques dans ce domaine » déclare Jean Cattan, membre du conseil d’orientation stratégique de La Quadrature du Net.
Pour approfondir :
- Le spectre de nos libertés
- Une étude appelle les régulateurs européens à libérer les ondes radio
- Cattan (J.) « Le spectre hertzien et la tragédie des communs » in Parance (B.) de Saint-Victor (J.) (Dir.), Repenser les biens communs, 2014, Paris, CNRS Editions
- Cattan (J.), « La richesse des ondes », in Agostinelli (S.) et al. (Dir.), La richesse des réseaux numériques, Aix-en-Provence, PUAM, 2012, pp. 23 à 36.
References
↑1 | Le rapport propose ainsi de : « mettre à disposition du secteur davantage de spectre ouvert, sans licence. Il s’agit d’une condition indispensable au développement de l’innovation et à la compétitivité des entreprises innovantes utilisatrices de spectre. Ce spectre joue, de plus, un rôle essentiel dans le développement des usages du très haut débit fixe et mobile ». En particulier, est proposé le fait de « rendre accessible, sans licence, en tenant compte des contraintes existantes, une partie du spectre dans les bandes 870-876 MHz et 915-921 MHz pour des appareils à faible puissance » et d’« étudier la faisabilité d’une amélioration des conditions d’utilisation de la bande 863-870 MHz par les appareils de faible puissance, tout en veillant à la protection des autres utilisateurs de la bande ». |
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↑2 | Le rapport propose d’« augmenter, dans certaines conditions, la puissance d’émission autorisée dans la bande existante 5 470-5 725 MHz, en veillant à la protection des autres utilisateurs de la bande ; [de] mener les travaux susceptibles de conduire à élargir les bandes mises à disposition, pour des services de type Wifi, en complément du très haut débit fixe, dans la bande des 5 GHz, en prenant en considération les enjeux économiques sous-jacents et la protection des autres utilisateurs ; [de] promouvoir l’utilisation de la bande des 60 GHz pour ce type de services ». |
↑3 | « Afin d’expérimenter l’utilisation des espaces blancs de la télévision sur les plans technique et commercial, tout en veillant à la protection de la diffusion de la télévision numérique terrestre, mettre en place un guichet d’expertise et de conseil permettant de recueillir et d’étudier les premiers projets visant à l’utilisation de ces fréquences » |