Paris, 26 novembre 2013 — Ce mercredi 27 novembre, l’Assemblée Nationale discutera en première lecture de la proposition de loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel ». La Quadrature du Net appelle les citoyens à contacter leurs députés, afin qu’ils suppriment l’article 1er de la proposition visant à renforcer la responsabilité des hébergeurs et à étendre la censure administrative d’Internet.
[MISE À JOUR 27/11 : Le gouvernement a déposé hier un amendement demandant la suppression des mesures de blocage que la proposition de loi tentait d’imposer. Celui-ci ne modifie cependant pas les dispositions renforçant la responsabilité des hébergeurs et qui encouragent la censure privée.]
La censure administrative d’Internet est de retour, au travers d’une proposition de loi relative à la lutte contre le « système prostitutionnel ». Alors qu’en 2011, les députés socialistes s’étaient vivement opposés à l’article 4 de la LOPPSI – qui prévoit le filtrage administratif d’Internet contre la diffusion de contenus à caractère pédopornographique et qui attend son décret d’application depuis presque trois ans – et alors que le Parlement vient d’abroger la principale disposition instituant le filtrage administratif au sein de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004, cette proposition de loi relative à la prostitution remet sur la table des mesures dangereuses pour les droits fondamentaux. L’article premier1L’article 1 :
« L’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Le 7 du I est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, après le mot : « articles », sont insérées les références : « 225-4-1, 225-5, 225-6, » ;
b) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les nécessités de la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle relevant des articles 225-4-1, 225-5 et 225-6 du code pénal le justifient, l’autorité administrative notifie aux personnes mentionnées au 1 du présent I les adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant aux dispositions de cet article, auxquelles ces personnes doivent empêcher l’accès sans délai. Les décisions de l’autorité administrative peuvent être contestées devant le juge administratif, dans les conditions de droit commun. » ;
c) Au sixième alinéa, la référence : « de l’alinéa précédent » est remplacée par les références : « des cinquième et sixième alinéas du présent 7 » ;
d) (nouveau) Au dernier alinéa, les mots : « et septième » sont remplacés par les mots : « , sixième et huitième » ;
2° (nouveau) Au premier alinéa du 1 du VI, les mots : « et septième » sont remplacés par les mots : « , sixième et huitième ». » propose ainsi d’étendre la censure administrative afin de lutter contre les sites web « participant au système prostitutionnel ». Il vise également à ajouter la prostitution aux catégories de contenus pour lesquelles les hébergeurs doivent mettre en place des dispositifs de signalement et prévenir les autorités, risquant d’inciter ces acteurs privés à censurer des contenus en ligne dans un cadre extra-judiciaire.
À l’issue d’un débat témoignant du manque de prise en considération des risques inhérents au blocage de sites Internet, la commission parlementaire spéciale en charge de ce texte a décidé de rejeter un premier amendement qui proposait de supprimer la censure administrative prévue par le texte. C’est désormais à l’ensemble des députés mobilisés sur ce dossier de faire en sorte qu’aucune lutte, aussi légitime soit-elle, ne puisse devenir le cheval de Troie d’atteintes inacceptables aux droits fondamentaux sur Internet. Pour ce faire, les députés doivent ainsi voter en faveur des amendements n°1, n°4, n°5 et n°15 qui visent à supprimer ces dangereuses dispositions.
La Quadrature du Net a envoyé une note aux députés pour leur rappeler que le filtrage d’Internet est contraire aux principes de l’État de droit, et les informer des risques de censure privée liés aux dispositifs de signalement de contenus potentiellement illicites gérés par les hébergeurs. Tout citoyen peut à son tour participer à la défense des droits fondamentaux en contactant son député et en l’invitant à faire en sorte que les dispositions de l’article premier soient supprimées (pour plus d’informations, rendez-vous sur la page de campagne dédiée).
« La censure de sites Internet est une mesure totalement disproportionnée, compte tenu notamment de l’inévitable risque de surblocage de contenus parfaitement licites qu’il fait courir. Si elle décidait d’en confier la responsabilité à l’administration plutôt qu’à un juge judiciaire garant des libertés fondamentales, la majorité reprendrait à son compte certaines des pires mesures répressives des gouvernements Sarkozy et reviendrait sur ses prises de position passées. Rien ne peut justifier la mise en place de mesures reposant sur une censure extra-judiciaire et qui sont nécessairement contraires à l’État de droit. Les députés doivent suivre la recommandation faite en 2011 par une mission parlementaire transpartisane de la commission des Affaires économiques, qui préconisait à juste titre l’adoption d’un moratoire sur toute nouvelle disposition relative au filtrage du Net. » conclut Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’association La Quadrature du Net.
À noter : des dispositions en partie similaires à celles contenues dans cette proposition de loi sont également présentes dans le projet de loi sur l’égalité entre les sexes (extension des obligations de signalements incitant à la censure privée) et dans le projet de loi relatif à la consommation (donnant à la DGCCRF le pouvoir de demander au juge le blocage d’un site), tous deux également en cours d’examen à l’Assemblée.
References
↑1 | L’article 1 : « L’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié : 1° Le 7 du I est ainsi modifié : a) Au troisième alinéa, après le mot : « articles », sont insérées les références : « 225-4-1, 225-5, 225-6, » ; b) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Lorsque les nécessités de la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle relevant des articles 225-4-1, 225-5 et 225-6 du code pénal le justifient, l’autorité administrative notifie aux personnes mentionnées au 1 du présent I les adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant aux dispositions de cet article, auxquelles ces personnes doivent empêcher l’accès sans délai. Les décisions de l’autorité administrative peuvent être contestées devant le juge administratif, dans les conditions de droit commun. » ; c) Au sixième alinéa, la référence : « de l’alinéa précédent » est remplacée par les références : « des cinquième et sixième alinéas du présent 7 » ; d) (nouveau) Au dernier alinéa, les mots : « et septième » sont remplacés par les mots : « , sixième et huitième » ; 2° (nouveau) Au premier alinéa du 1 du VI, les mots : « et septième » sont remplacés par les mots : « , sixième et huitième ». » |
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