En matière de lutte antiterroriste, la hâte est mauvaise conseillère. En témoigne le texte proposé au Parlement par le gouvernement. […]
Premièrement, parce qu’il autorise le recours à des méthodes de surveillance qui font peser une menace sérieuse sur le droit au respect de la vie privée. La pose de micros et de balises de géolocalisation, ainsi que l’utilisation d’outils permettant d’intercepter les communications risquent notamment de porter atteinte au secret des correspondances, à la confidentialité des sources journalistiques, ou encore au secret professionnel des avocats et d’autres métiers. La menace est d’autant plus sérieuse que les moyens que ce projet de loi entend légaliser vont conduire à des intrusions arbitraires dans la vie privée non seulement des personnes suspectées, mais également de celles qui communiquent avec elles, vivent ou travaillent dans les mêmes lieux, voire se trouvent à proximité de ces personnes.
Deuxièmement, parce qu’il permettrait la mise en œuvre de ces mesures intrusives sans un contrôle préalable indépendant. Le droit au respect de la vie privée est fondamental. La jouissance de ce droit, qui protège l’individu des intrusions de l’Etat, ne doit pas être limitée sans que l’autorité judiciaire ne vérifie préalablement la légalité, la nécessité et la proportionnalité d’une mesure de surveillance. […]
Ce qui est en jeu à travers la loi n’est pas seulement la lutte contre le terrorisme, que nous souhaitons la plus efficace possible, mais aussi la société dans laquelle nous voulons vivre.
Nils Muižnieks est commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
Michel Forst est rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.
Ben Emmerson est rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme.
https://www.laquadrature.net/files/20150414%20_%20Le%20Monde%20_%20Une%20France%20mise%20sous%20surveillance_.pdf