Paris, le 13 janvier 2012 – Un document stratégique clé sur les politiques Internet montre que la Commission européenne se prépare à proposer de nouvelles politiques répressives. Avec le vote de consentement à venir sur l’accord anti-contrefaçon ACTA et la révision de la directive sur les « droits de propriété intellectuelle » (IPRED), les mécanismes de censure qui font actuellement débat aux États-Unis arriveront bientôt en Europe.
Mercredi, la Commission européenne a publié une communication sur le marché unique numérique, abordant la plupart des politiques européennes liées à l’Agenda Numérique1Voir http://ec.europa.eu/internal_market/e-commerce/communication_2012_fr.htm. Comme ce document le laisse entendre, la Commission travaille à combattre les sites illégaux de jeux en ligne, lutte qui pourrait prendre la forme de mesures de censure telles que celles mises en œuvre en France et dans d’autres États Membres2Voir la consultation sur les jeux en ligne de l’été dernier : https://www.laquadrature.net/fr/repondez-a-la-consultation-de-la-commission-europeenne-sur-les-jeux-en-ligne. De manière hypocrite, et probablement pour satisfaire l’industrie bancaire, la Commission ne prend même pas en considération la possibilité de s’attaquer aux flux financiers des entreprises hors-la-loi, ce qui serait pourtant une manière efficace de les combattre. Au lieu de cela, la Commission préfère ouvrir la voie à des mesures de censure en cœur de réseau.
Dans le champ du droit d’auteur, la Commission européenne ressort la dangereuse notion de « contenu illégal », qui n’a pas de sens, sauf à dire que le réseau sera programmé pour déterminer la licéité des contenus. Elle pousse également à davantage de « coopération » extra-judiciaire entre les acteurs d’Internet, les services de paiement et les industries du divertissement, dans la veine des très controversés projets de loi SOPA (Stop Online Piracy Act) et PIPA (Protect IP Act) actuellement débattus par le Congrès des États-Unis3Voir page 13 de la communication : « La collaboration entre parties prenantes, en particulier les prestataires de l’Internet, les ayant-droit et les services de paiements, engagée dans l’Union européenne et aux États-Unis, peut aussi permettre de lutter contre les contenus illégaux. »..
« Dans la lignée de l’ACTA et de SOPA aux États-Unis, la Commission veut imposer des mécanismes de censure privatisée4Dès notification par les industries du divertissement, les moteurs de recherche ainsi que les services de paiement et les régies publicitaires pourraient se voir interdit de fournir des services ou de contracter avec les sites visés, sans la moindre décision judiciaire. Comme le souligne le professeur de droit Yochai Benkler, SOPA et PIPA reviendraient à légaliser le type de techniques de censures utilisées par les États-Unis contre WikiLeaks, en transposant dans le domaine civil des mesures jusque lors réservées à l’antiterrorisme. Voir: http://benkler.org/WikiLeaks_PROTECT-IP_Benkler.pdf où les entreprises (FAI, services de paiement) “coopéreraient” directement avec les industries du divertissement pour censurer certains sites. L’exécutif européen est visiblement prêt à satisfaire quelques industries en plaçant Internet sous contrôle. Les citoyens doivent rester attentifs et s’opposer à toute politique qui ne respecte pas le droit à un procès équitable ou la liberté d’expression. » déclare Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’initiative citoyenne La Quadrature du Net.
References
↑1 | Voir http://ec.europa.eu/internal_market/e-commerce/communication_2012_fr.htm |
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↑2 | Voir la consultation sur les jeux en ligne de l’été dernier : https://www.laquadrature.net/fr/repondez-a-la-consultation-de-la-commission-europeenne-sur-les-jeux-en-ligne |
↑3 | Voir page 13 de la communication : « La collaboration entre parties prenantes, en particulier les prestataires de l’Internet, les ayant-droit et les services de paiements, engagée dans l’Union européenne et aux États-Unis, peut aussi permettre de lutter contre les contenus illégaux. ». |
↑4 | Dès notification par les industries du divertissement, les moteurs de recherche ainsi que les services de paiement et les régies publicitaires pourraient se voir interdit de fournir des services ou de contracter avec les sites visés, sans la moindre décision judiciaire. Comme le souligne le professeur de droit Yochai Benkler, SOPA et PIPA reviendraient à légaliser le type de techniques de censures utilisées par les États-Unis contre WikiLeaks, en transposant dans le domaine civil des mesures jusque lors réservées à l’antiterrorisme. Voir: http://benkler.org/WikiLeaks_PROTECT-IP_Benkler.pdf |