Paris, le 15 septembre 2009 – Les députés de la majorité ont bu la liqueur HADOPI jusqu’à la lie. Ils viennent de voter un nouveau texte tout aussi attentoire aux droits fondamentaux que celui qui fut en grande partie censuré par le Conseil constitutionnel le 10 juin 2009. Point culminant temporaire de la folle guerre menée contre le public pour les besoins de quelques intérêts de plus en plus isolés, l’HADOPI participe d’une inquiétante logique de contrôle de l’Internet. L’adoption de ce texte sera sans doute bientôt confirmée en commission mixte paritaire et par les votes finaux. Une fois de plus, il appartiendra au Conseil constitutionnel de trancher.
Au bout du compte, avec l’adoption du projet de loi HADOPI 2, c’est bien la démocratie qui sort perdante de ce débat. L’étude d’impact qui accompagnait le projet de loi, annoncée comme une innovation majeure de la nouvelle procédure législative instaurée par la dernière révision constitutionnelle, était en fait dépourvue de tout état des lieux indépendant et objectif sur l’économie culturelle. Pour démontrer la prétendue « crise » des entreprises culturelles, l’étude d’impact ne faisait que reproduire les chiffres avancés par les lobbies des grands groupes de divertissement. En outre, elle ne portait que sur secteurs particuliers – la vente d’œuvres musicales et audiovisuelles – alors que la loi a vocation à s’appliquer à tout le champ du droit d’auteur en ligne. Au-delà, ce texte de loi remet gravement en cause les valeurs républicaines que sont la présomption d’innocence et le droit à une procédure équitable.
Par son acharnement répressif, le gouvernement tourne le dos à la recherche d’une véritable synergie entre les nouvelles pratiques culturelles qui se développent sur Internet et le financement de la création, et ce en dépit de ses annonces récentes. Car cette loi ne cherche pas à poser les bases de meilleures modalités de financement de la culture, mais bien à préserver dans l’environnement numérique le contrôle exercé par les industries du divertissement sur la circulation des œuvres. Elle met ainsi en cause le futur même d’Internet tel que nous le connaissons aujourd’hui.
« Le vote de la loi HADOPI 2 est en phase avec les déclarations de Jean-François Copé et de Henri Guaino qui tentent de faire d’Internet le bouc émissaire de l’affaire Hortefeux1voir http://www.lemonde.fr/technologies/article/2009/09/14/l-affaire-hortefeux-illustre-la-mefiance-de-l-ump-vis-a-vis-du-net_1240102_651865.html. L’HADOPI est une étape inquiétante vers le contrôle de l’information circulant sur le Net par des acteurs économiques et politiques. Tous semblent désormais s’entendre pour étouffer ce formidable espace d’expression et de libertés que nous, citoyens, nous devons de protéger. » déclare Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net.
« L’extension des ordonnances pénales au délit de contrefaçon, sur la base de semblants de preuves collectés par des polices privées qui ne permettent pas d’établir la matérialité des faits, constitue une évolution extrêmement grave. Si elle n’est pas censurée par le Conseil constitutionnel, la loi HADOPI 2 marquera d’une pierre noire la dérive de nos procédures pénales vers la répression automatique de masse. L’arbitraire sera total entre, d’une part, l’application d’une procédure pour contrefaçon attentatoire aux droits de la défense et, d’autre part, des sanctions contraventionnelles pour un délit de « négligence caractérisée » défini sur mesure. Ce dispositif est d’une disproportion inouïe : il permet d’appliquer dans un cadre contraventionnel une sanction de suspension de la connexion Internet dont le Conseil constitutionnel a jugé qu’elle était privative de l’exercice de droits fondamentaux. » conclut Philippe Aigrain, co-fondateur de La Quadrature du Net.
References
↑1 | voir http://www.lemonde.fr/technologies/article/2009/09/14/l-affaire-hortefeux-illustre-la-mefiance-de-l-ump-vis-a-vis-du-net_1240102_651865.html |
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