Paris, le 07 septembre 2009 –
Le ministre de la culture a annoncé la mise en place d’une commission sous la responsabilité de Patrick Zelnik, Jacques Toubon et Guillaume Cerutti. Quelques bonnes intentions sont affichées en matière d’accessibilité des œuvres des petites structures et des œuvres orphelines. Ce ne sont hélas que des détails comparés à l’étroitesse du cadre de réflexion qui écarte une fois de plus tout financement mutualisé reconnaissant les droits du public à partager la culture. La non-prise en compte de conflits d’intérêt et le choix répété de personnalités ayant soutenu des mesures liberticides ou contraires à l’intérêt général sont encore plus choquantes.
Un coin du voile est donc soulevé sur la façon dont le gouvernement va maintenant passer « au financement de la création ». Ce qui est révélé par la nomination de Patrick Zelnik (PDG du label Naïve), Jacques Toubon (ancien ministre de la culture mais surtout défenseur dogmatique du conservatisme en matière de droit d’auteur au parlement européen) et Guillaume Cerutti (PDG de Sotheby’s France mais aussi ancien responsable de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) est bien inquiétant.
Le piège dans lequel le gouvernement veut enfermer toute discussion future apparait en plein jour : seules seront envisagées des solutions qui maintiennent les orientations des lois HADOPI. Pas question d’explorer la légalisation des échanges entre individus hors marché avec mise en place d’un financement mutualisé, qui serait pourtant la seule solution pour ouvrir une nouvelle ère pour la création.
C’est l’éternel retour du pire. Naïve est un label respecté. On serait ravi de retrouver son PDG comme personnalité auditionnée par une commission indépendante. Lui confier la présidence d’une commission montre que le gouvernement n’entend hélas pas mettre fin à la confusion absolue des intérêts privés et de l’intérêt public. En nommant Jacques Toubon parmi les autres responsables, on marque en outre l’adhésion au pire dogmatisme du droit d’auteur, prêt à tout justifier en invoquant l’exception culturelle, depuis les dispositions liberticides jusqu’à une extension de la durée de protection des phonogrammes dont toutes les études sérieuses concluent qu’elle est contraire à l’intérêt général.
« Cette annonce nous laisse peu d’espoir de voir enfin une politique plus utile au financement de la création dans toute sa diversité. Elle tourne le dos à la reconnaissance de nouveaux droits pour le public. En désignant Patrick Zelnik comme président de la commission, le gouvernement montre qu’il n’a rien appris des effets de la nomination de Denis Olivennes. Il se range en prime sous la bannière du conservatisme en matière de droit d’auteur avec la nomination de Jacques Toubon 1. Espérons qu’un sursaut soit encore possible. » analyse Philippe Aigrain, co-fondateur de La Quadrature du Net
- 1.Jacques Toubon a dans les deux dernières années au Parlement européen milité en faveur d’une extension du terme du droit d’auteur, tenté de contrer le rapport Lambrinidis consacrant l’accès à Internet comme un droit fondamental, prétendu que l’amendement 138 (imposant un procès équitable pour toute restriction de l’accès) légaliserait la pédopornographie, soutenu le rapport Medina imposant une vision dogmatique et répressive du droit d’auteur, fait campagne sans relâche pour l’extension de durée de protection des phonogrammes dont la commission Zelnik est maintenant chargée d’atténuer les conséquences, etc.