Le 14 février dernier, la commission des liberté publiques du Parlement européen a adopté à la quasi-unanimité des amendements1La version adoptée de l’article 21 de la directive est la suivante:
1. Member States shall take the necessary legislative measures to obtain the removal at source of Internet pages containing or disseminating child pornography or child abuse material. Internet pages containing such material shall be removed, especially when originating from an EU Member State. In addition, the EU shall cooperate with third countries in securing the prompt removal of such content from servers in their territory.
2. When removal at source of Internet pages containing or disseminating child pornography or child abuse material is impossible to achieve, Member States may take the necessary measures in accordance with national legislation to prevent access to such content in their territory. These measures must be set by transparent procedures and provide adequate safeguards, in particular to ensure that the restriction is limited to what is necessary and proportionate, and that users are informed of the reason for
the restriction. Content providers and users shall be informed of the possibility to whom to appeal under a judicial redress procedure.
2a. Any measure under paragraphs 1 and 2 shall respect fundamental rights and
freedoms of natural persons, as guaranteed by the European Convention of the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms, the EU Charter of Fundamental Rights and general principles of Union law. Those measures shall provide for prior authorisation in accordance with national law, and the right to an effective and timely judicial redress.
2b. The European Commission shall submit to the European Parliament an annual report on the activities undertaken by Member States to remove child sexual abuse material from Internet pages.
à un projet de directive sur l’exploitation infantile qui visait à rendre obligatoire le filtrage de sites à caractère pédopornographique dans l’Union européenne, une censure pourtant absolument inefficace et dangereuse. Ce vote permet de protéger la liberté de communication sur Internet et pourrait s’opposer à plusieurs dispositifs adoptés dans les États membres, à l’image de l’article 4 de la LOPPSI en France. Il doit à tout prix être défendu !
En effet, les gouvernements nationaux (représentés au Conseil de l’UE) vont tout faire pour revenir à la version initiale soutenue par la Commission européenne. Chaque citoyen peut participer à la défense des libertés sur Internet en contactant les eurodéputés de la commission des libertés publiques pour les féliciter de leur vote et les enjoindre de tenir bon face aux discours populistes (par e-mail ou téléphone. Du 6 au 11 mars, ils sont joignables au siège du Parlement à Strasbourg, où se tiennent les sessions plénières, et non à Bruxelles).
Comme l’explique l’association EDRi, les amendements du Parlement à l’article 21 et au considérant 13 de la directive mettent l’accent sur des mesures réellement efficaces visant à lutter contre les contenus pédopornographiques sur Internet et à enquêter sur ces crimes et les réseaux criminels qui en font le commerce. Ce sont ces amendements qu’il s’agit de défendre.
Ces amendements portent en particulier sur:
- La suppression des contenus à la source : Cette mesure est la seule vraiment efficace pour lutter contre les contenus pédopornographiques sur Internet. Les amendements adoptés prévoient que les États membres doivent prendre des mesures appropriées pour obtenir le retrait des contenus à caractère pédopornographique. C’est seulement quand ce retrait à la source est impossible que les autorités pourront recourir à des mesures plus restrictives, telles que le filtrage.
- La coopération internationale : Les eurodéputés estiment que les mécanismes de coopération policière et judiciaire existants doivent être renforcés pour tenter d’obtenir la suppression des contenus et contrer les réseaux criminels se livrant à la production et à la distribution de contenus pédopornographiques.
- Les rapports annuels sur les activités de suppression : Ces rapports permettraient d’identifier les réussites et les échecs des États membres au niveau national et international, afin d’identifier et d’étendre les bonnes pratiques dans la lutte contre la pédopornographie en ligne.
Si la directive était adoptée telle qu’amendée par les eurodéputés de la commission des libertés publiques, elle harmoniserait au niveau européen les obligations juridiques que les États membres doivent respecter lorsqu’ils mettent en cause la liberté de communication sur Internet. En particulier :
- La solution alternative la moins restrictive est prioritaire, à savoir, le retrait des contenus en ligne. C’est seulement lorsque ces mesures ont échoué que des dispositifs plus restrictifs (comme le blocage) peuvent être envisagés.
- Le respect de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, puisque les amendements prévoient que les mesures alternatives à la suppression à la source (telles que le blocage) doivent être nécessaires, prévues par la loi, transparentes et proportionnées aux objectifs poursuivis. Il s’agit là d’un encadrement absolument nécessaire pour que les principes de l’État de droit soient respectés. Il semble que ces dispositions aillent à l’encontre de l’article 4 de la LOPPSI adoptée par le Parlement français.
Cet encadrement communautaire semble aller à l’encontre de plusieurs dispositifs de filtrage nationaux. Par exemple, en France, le filtrage administratif d’Internet prévu par la LOPPSI ne s’accompagne d’aucun effort supplémentaire de la part des pouvoirs publics pour obtenir le retrait des contenus des serveurs qui les hébergent. De plus, il n’y a aucune transparence, puisque la procédure est secrète et n’est l’objet d’aucun contrôle judiciaire, ce qui rend pratiquement impossible tout recours contre ces mesures.
La Quadrature du Net a envoyé le texte suivant aux eurodéputés français de la commission des libertés publiques pour les féliciter et les encourager à tenir bon au cours de la procédure législative, encore longue (le vote en séance plénière au Parlement aura lieu en juin). Chaque citoyen est invité à participer à ces efforts en contactant les eurodéputés !
Cher XXXXXX,
Nous souhaitons vous exprimer toute notre gratitude pour l’issue du vote d’orientation en commission LIBE sur le rapport Angelilli relatif à l’exploitation infantile.
En tant qu’animateurs d’une organisation citoyenne défendant les droits et libertés sur Internet, nous sommes particulièrement sensibles au compromis trouvé par la commission sur l’article 4 relatif au blocage de sites Internet à caractère pédopornographique.
Pour notre part, nous estimons qu’en aucun cas le filtrage ne peut constituer une mesure efficace pour lutter contre la dissémination de tels contenus en ligne, du fait de l’existence de techniques de contournement. Dans tous les cas, elles doivent être strictement encadrées pour éviter les risques d’immixtions arbitraires dans l’exercice de la liberté de communication, et c’est pourquoi les amendements à l’article 4 adoptés lors du vote d’orientation nous paraissent aller dans le bon sens.
Malheureusement, il faut s’attendre à une forte opposition des États membres lors des prochaines étapes de la procédure législative. Nombreux sont en effet les gouvernement nationaux qui voient dans le filtrage un moyen commode de réguler Internet, cet espace de liberté qu’ils ne comprennent encore que trop mal.
Nous comptons sur votre détermination pour faire prévaloir la liberté de vos concitoyens face aux discours populistes qui nient les réalités techniques du Net. Nous sommes bien évidemment à votre disposition pour discuter avec vous de ces questions.
Veuillez agréer l’expression de nos salutations distinguées,
La Quadrature du Net.
References
↑1 | La version adoptée de l’article 21 de la directive est la suivante: 1. Member States shall take the necessary legislative measures to obtain the removal at source of Internet pages containing or disseminating child pornography or child abuse material. Internet pages containing such material shall be removed, especially when originating from an EU Member State. In addition, the EU shall cooperate with third countries in securing the prompt removal of such content from servers in their territory. 2. When removal at source of Internet pages containing or disseminating child pornography or child abuse material is impossible to achieve, Member States may take the necessary measures in accordance with national legislation to prevent access to such content in their territory. These measures must be set by transparent procedures and provide adequate safeguards, in particular to ensure that the restriction is limited to what is necessary and proportionate, and that users are informed of the reason for 2a. Any measure under paragraphs 1 and 2 shall respect fundamental rights and 2b. The European Commission shall submit to the European Parliament an annual report on the activities undertaken by Member States to remove child sexual abuse material from Internet pages. |
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