Paris, le 23 novembre 2010 — Après la publication la semaine dernière de la version finale du texte de l’ACTA, le Parlement européen s’apprête à adopter une résolution préparant l’imminent processus de ratification, durant la séance plénière de demain. Ce vote doit être une occasion pour le législateur européen de réitérer son opposition à cet accord, qui vise à étendre au niveau international certaines dispositions extrémistes relatives aux sanctions civiles et pénales en matière de droit d’auteur, brevets et droit des marques. De manière assez inquiétante, le groupe conservateur PPE a déposé sa propre résolution, qui fait fi des prérogatives du Parlement.
Avant que le Parlement européen ne décide d’approuver ou de refuser la ratification de l’ACTA, il s’apprête à voter mercredi une résolution visant à rappeler à la Commission son point de vue sur cet accord. Une résolution commune aux Libéraux (ALDE), les Sociaux-démocrates (S&D), les Verts (Verts/ALE) et la Gauche Unie (GUE/NGL) a été déposée1La résolution commune est disponible à l’adresse : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=MOTION&reference=P7-RC-2010-0617&language=FR. Elle dénonce plusieurs aspects de l’accord ACTA, qu’il s’agisse de son contenu ou du processus de négociation. Par aillleurs, le groupe politique le plus important du Parlement européen — le PPE (conservateurs) — a décidé de quitter les négociations sur cette résolution commune et soumet au vote une résolution très inquiétante, qui fait l’impasse sur tous les problèmes importants soulevés par l’ACTA2http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+MOTION+B7-2010-0618+0+DOC+XML+V0//FR.
Alors que la majorité des autres groupes politiques s’inquiètent de voir l’ACTA aller au-delà de l’acquis communautaire3Voir par exemple l’analyse juridique de la FFII, « Some examples of ACTA going beyond present EU legislation (the acquis)« . Addresse : http://people.ffii.org/~ante/acta/acta-acquis2.pdf, les Conservateurs prétendent que l’ACTA n’implique aucun changement de l’acquis communautaire, et ce en dépit de la réforme à venir du cadre d’application du droit d’auteur, des marques et des brevets au sein de l’UE, qui laisse entendre le contraire. Par ailleurs, la résolution PPE ne tient aucun compte des vives inquiétudes formulées par les partenaires commerciaux de l’UE les plus importants ainsi que par des experts et des organisations de la société civile4–75 universitaires américains, spécialistes de la propriété intellectuelle ont écrit au Président Obama pour critiquer son administration pour avoir « négocié un accord international de grande envergure sur la propriété intellectuelle, sous le sceau du secret, avec peu de place pour la participation du public, mais avec la participation active d’intérêts privés qui ont tout à gagner de ces nouvelles règles internationales contraignantes, qui risquent de porter atteinte à l’intérêt général » (traduction non officielle) : http://www.wcl.american.edu/pijip/go/blog-post/over-75-law-profs-call-for-halt-of-acta
-Le Brésil a fait part de son désaccord sur l’ACTA à l’OMPI en octobre dernier, indiquant que « l’ACTA pourrait avoir une incidence sur l’équilibre des droits et obligations inscrit dans le système international de la propriété intellectuelle entre les ayant droits d’un côté, et les parties tierces qui sont les utilisateurs de biens et services protégés de l’autre » (traduction non officielle) : http://keionline.org/node/999
–L’Inde a fait de même en soulignant le fait que l’ACTA comporte « plusieurs éléments qui ont des implications très importantes pour les non membres de l’ACTA ».
–La Chine a aussi critiqué l’ACTA, et a affirmé que « des standards excessifs ou déraisonnablement élevés en ce qui concerne la protection des DPI pourraient augmenter injustement les profits monopolistiques des ayant droits, capturer une partie du surplus des consommateurs et élargir le fossé entre les riches et les pauvres dans le monde » : http://keionline.org/node/1001
-La veille de la publication de la dernière version de l’ACTA, les Sénateurs du Mexique (un des pays négociateurs) ont adopté une résolution demandant la suspension des négociations et le lancement d’une large consultation : http://www.merca20.com/mexico-fuera-de-acta-casi/
–Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la santé, Anand Grover, a commenté lors d’une consultation publique sur l’ACTA et le droit à la santé, le 28 octobre, que le processus d’élaboration de l’ACTA semblait violer les obligations en matière de Droits de l’Homme internationaux, visant à s’assurer de la participation dans l’élaboration de lois touchant à l’accès aux médicaments ou à d’autres sujets concernant la santé : http://www.wcl.american.edu/pijip/go/blog-post/challenges-to-acta-mount-the-week-in-review.
« Le parlement Européen doit réaffirmer son pouvoir législatif et protéger les citoyens en rejetant la résolution PPE avec force ! L’ACTA va bien au-delà d’un simple accord commercial et a un impact direct sur la liberté d’expression sur Internet, le respect de la vie privée et l’accès aux médicaments. Si le Parlement venait à valider ce processus en adoptant la résolution PPE, cela signifierait qu’il renonce à sa propre autorité. » indique Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net.
Les citoyens peuvent contacter leurs élus (en utilisant notre outil Mémoire Politique) et plus particulièrement, les membres des groupes PPE, ECR et EFD afin de les inciter à rejeter la résolution PPE, pour s’assurer que les libertés fondamentales et les droits publics seront protégés par les législateurs européens.
Nos inquiétudes concernant la résolution PPE
La résolution PPE :
- met la pression sur les fournisseurs d’accès à Internet afin de mettre en place une application des droits d’auteur dans l’environement numérique, hors du cadre juridique, dans l’esprit du raport Gallo5http://www.laquadrature.net/fr/Gallo_report. Ce faisant, cette résolution menace les libertés fondamentales des utilisateurs d’Internet. A l’opposé, la résolution S&D, ALDE, Verts et GUE « suggère à la Commission de présenter au Parlement une analyse légale de la signification, de la légalité et de l’applicabilité de l’accord ACTA sur le volet concernant la cooperation entre les fournisseurs d’accès et les ayant droits (…) ne constitueront pas une ingérence sur les droits fondamentaux des citoyens, y compris le droit à la vie privée, le droit à la liberté d’expression et le droit au procès équitable ».
- ouvre la voie à une criminalisation des échanges non-commerciaux du droit d’auteur, des brevets et des marques, à travers la notion volontairement vague d’« échelle commerciale »6L’ACTA propose que « les actions menées à une échelle commerciale incluent au moins celles menées en tant qu’activités commerciales ayant des avantages économiques directs ou indirects ».. En revanche, la résolution commune « charge le conseil et la commission de fournir une évaluation juridique avant le lancement de l’accord afin de définir si le concept d' »Echelle commerciale » de l’ACTA est comforme à la décision de l’OMC pour la Chine, et est pleinement conforme avec les principes de l’UE de proportionalité et de subsidiarité, et ne limitera pas l’utilisation par les états membre des exceptions nationles en ce qui concerne les mesures d’application en matière pénale. ».
- ne reconnaît pas l’illégitimité de l’ACTA — qui contourne les organisations internationales compétentes, comme l’OMPI ou l’OMC7Voir http://www.laquadrature.net/fr/acta-un-accord-ringard-qui-doit-etre-rejete, dans lesquelles sont explorés des projets de réforme du régime global des DPI — afin de promouvoir des standards plus extrêmistes au niveau international. En revanche, la résolution commune « déplore que ces négociations et cet accord n’aient pas été menés dans le cadre des forums multilatéraux existants (comme l’OMPI ou l’OMC)(…) ». Par ailleurs, la résolution « demande à la Commission de s’abstenir d’imposer cet Accord aux pays en développement et de plaider auprès des autres parties de l’ACTA que les procédures et termes d’accession à l’ACTA soient flexibles et prennent en compte les niveaux de développement des pays candidats (…) ». De plus, elle ouvre la voie à un contournement durable de la démocratie en créant un comité ACTA compétent pour réviser les amendements à l’accord.
References
↑1 | La résolution commune est disponible à l’adresse : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=MOTION&reference=P7-RC-2010-0617&language=FR |
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↑2 | http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+MOTION+B7-2010-0618+0+DOC+XML+V0//FR |
↑3 | Voir par exemple l’analyse juridique de la FFII, « Some examples of ACTA going beyond present EU legislation (the acquis)« . Addresse : http://people.ffii.org/~ante/acta/acta-acquis2.pdf |
↑4 | –75 universitaires américains, spécialistes de la propriété intellectuelle ont écrit au Président Obama pour critiquer son administration pour avoir « négocié un accord international de grande envergure sur la propriété intellectuelle, sous le sceau du secret, avec peu de place pour la participation du public, mais avec la participation active d’intérêts privés qui ont tout à gagner de ces nouvelles règles internationales contraignantes, qui risquent de porter atteinte à l’intérêt général » (traduction non officielle) : http://www.wcl.american.edu/pijip/go/blog-post/over-75-law-profs-call-for-halt-of-acta -Le Brésil a fait part de son désaccord sur l’ACTA à l’OMPI en octobre dernier, indiquant que « l’ACTA pourrait avoir une incidence sur l’équilibre des droits et obligations inscrit dans le système international de la propriété intellectuelle entre les ayant droits d’un côté, et les parties tierces qui sont les utilisateurs de biens et services protégés de l’autre » (traduction non officielle) : http://keionline.org/node/999 –L’Inde a fait de même en soulignant le fait que l’ACTA comporte « plusieurs éléments qui ont des implications très importantes pour les non membres de l’ACTA ». –La Chine a aussi critiqué l’ACTA, et a affirmé que « des standards excessifs ou déraisonnablement élevés en ce qui concerne la protection des DPI pourraient augmenter injustement les profits monopolistiques des ayant droits, capturer une partie du surplus des consommateurs et élargir le fossé entre les riches et les pauvres dans le monde » : http://keionline.org/node/1001 -La veille de la publication de la dernière version de l’ACTA, les Sénateurs du Mexique (un des pays négociateurs) ont adopté une résolution demandant la suspension des négociations et le lancement d’une large consultation : http://www.merca20.com/mexico-fuera-de-acta-casi/ –Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la santé, Anand Grover, a commenté lors d’une consultation publique sur l’ACTA et le droit à la santé, le 28 octobre, que le processus d’élaboration de l’ACTA semblait violer les obligations en matière de Droits de l’Homme internationaux, visant à s’assurer de la participation dans l’élaboration de lois touchant à l’accès aux médicaments ou à d’autres sujets concernant la santé : http://www.wcl.american.edu/pijip/go/blog-post/challenges-to-acta-mount-the-week-in-review |
↑5 | http://www.laquadrature.net/fr/Gallo_report |
↑6 | L’ACTA propose que « les actions menées à une échelle commerciale incluent au moins celles menées en tant qu’activités commerciales ayant des avantages économiques directs ou indirects ». |
↑7 | Voir http://www.laquadrature.net/fr/acta-un-accord-ringard-qui-doit-etre-rejete |